Il est tellement difficile de parler de l’obésité morbide, avec tact, sans se moquer, sans tomber dans le jugement, de la montrer telle qu’elle, sans cacher en quoi ça consiste, parce que c’est une maladie comme une autre, ce n’est pas un choix, nous sommes au-delà de la rondeur, ou du surpoids, dans ce cas précis, nous parlons bien d’auto-destruction, d’un suicide lent, mais dont l’issue est malheureusement la même. Alors bien sûr, il est extrêmement rude de faire face à ce traitement auto-infligé, on souffre inévitablement de certaines scènes qui peuvent mettre mal à l’aise, mais c’est un choix volontaire, que celui de tout montrer, pour comprendre, pour compatir, parce que la souffrance d’en être arrivé là est bien présente, parce que se nourrir n’est plus un plaisir, mais une punition, un moyen d’en finir plus vite. Attention, on parle bien ici d’un cas extrême, ce n’est en rien un pamphlet contre le surpoids, on fait clairement la part des choses, ce n’est pas un diktat qui nous est imposé, c’est le témoignage d’une vie brisée par le chagrin, qui n’a pas trouvé d’autre moyen de s’exprimer que par ce biais, parce que la perte peut vous conduire au pire et que même si nous avons parfois envie de lutter contre, ce n’est malheureusement plus une possibilité. Des sujets d’une importance cruciale donc, d’une psychologie fine, un deuil impossible, l’orientation sexuelle, mais aussi un lien parental brisé que l’on souhaite reconstruire, autant de thèmes d’une puissance remarquable, d’une sensibilité époustouflante, abordés avec une grande subtilité et même une poésie omniprésente, qui saura d’autant plus nous toucher en plein cœur, par une beauté incontestable de chaque instant. Comme d’habitude, le travail de Darren Aronofsky divise, il faut savoir apprécier son style, évidemment tout particulier, moi j’aime son originalité, sa vision des éléments, il ne choisit jamais la facilité, se montre parfois brutal, mais on ne peut nier son talent, cette manière d’exposer l’humain à travers toutes ses failles, même les plus difficiles. Visuellement très sombre, c’est un huis clos dramatique, oppressant, dans cette double prison, un corps qui est devenu presque impossible à mouvoir, qui choisit donc de s’enfermer d’autant plus dans cet appartement, c’est percutant, magistralement mis en lumière, parce que malgré la noirceur de cette ambiance, cette fenêtre sur l’extérieur représente la liberté promise, celle à laquelle on pourra malgré tout prétendre. En ce qui concerne le scénario, il est parfaitement écrit, là encore, tout en subtilité, même s’il n’est pas complexe en soit, c’est avant tout un récit d’une humanité rare, qui met l’accent sur cette relation brisée, sur cet amour perdu qui a conduit au pire et sur la souffrance de chacun, palpable, insupportable. Une reconstruction, l’ultime rédemption, celle d’un père, d’un homme amoureux qui n’a pas forcément fait les bons choix, mais qui va tout tenter pour au moins laisser une trace dans la vie de sa fille, peut-être est-il trop tard pour le pardon, mais il ne l’est jamais pour essayer, pour expliquer, pour dire tout son amour malgré tout et pour ne serait-ce qu’entamer le chemin vers la sérénité. Quant au casting, il est tout simplement parfait, Brendan Fraser y est absolument magistral, Sadie Sink est d’une puissance phénoménale et le rôle de Hong Chau m’a bouleversé.
En bref : Un film d’une intensité émotionnelle rare, un témoignage de la souffrance, de ses conséquences, dans tout ce qu’il y a de plus extrême, parce que le deuil est parfois impossible, parce que la perte peut vous conduire à vous détruire à petit feu, l’alcool, la drogue, ou la nourriture, c’est une auto-destruction comme une autre, un moyen de taire ses maux, jusqu’à ce qu’il soit trop tard, mais l’espoir et la lumière sont pourtant omniprésents, peut-être pas comme on l’imagine, simplement à travers ce lien vibrant de colère, mais où l’amour y est inévitablement essentiel !
Avis complet sur le blog : https://vampiloufaitsoncinma.com/2023/05/04/the-whale/