Dans "The we and the I", Michel Gondry, connu notamment pour "Eternal Sunshine of the Spotless Mind", "Be kind, rewind" et "The Green Hornet", nous livre un nouveau genre de film : le road-movie collectif à huis clos. Le récit raconte le trajet d'un bus raccompagnant des lycéens du Bronx chez eux lors du dernier jour de cours. Ambiance vanne à gogo et vacherie en tout genre, Gondry filme pour la première fois la jeunesse dans toute sa réalité.
Il existe différentes façons de regarder ce film.
La première voudrait de tout prendre au premier degré, sans réfléchir vraiment à ce que nous offre le cinéaste. Les blagues piquent leurs victimes, comme elles égayent toute la première partie du film. Cette bande de petits cons, il n'y a guère d'autres mots, forme malgré tout une belle bande de gamins insouciants malgré le monde sale et décrépi qui les entoure. Les tyrans, comme les appelle Gondry, au fond du bus, font la loi dans la cour de récré délocalisée entre les banquettes. Les gentils tocards qui ne s'assument pas encore s'en prennent plein la tête, et en sont réduits à leur propre impuissance. Les tensions, thème de la deuxième partie du film, naissent du terreau de ces taquineries qui finissent par toucher au plus profond de l'être. Tout cela forme un spectacle plutôt plaisant à regarder.
En revanche, la seconde façon de suivre l'histoire voudrait de plus s'interroger sur le comportement des uns et des autres. On découvre alors une jeunesse d'une profondeur creuse, qui reflète sans doute à merveille la réalité. Cette jeunesse, au final, n'a rien d'intelligent à se raconter, rien d'intéressant à partager. Ce ne sont pas les deux attachants geeks de guitare qui arriveront à casser cette interprétation. Mais rassurez-vous, les scénaristes ont bien assimilé toute utilité sociale des portables. On en vient presque à se demander si, comme la majorité des jeunes d'aujourd'hui, ce film aurait pu voir le jour sans l'appareil photo/caméra des portables pullulants...
La troisième partie du film ne se regarde que d'un seul oeil. Elle est le côté moralisateur de la fable urbaine. D'où le film tire son titre. On peut alors se permettre de penser que la morale de l'histoire est bien légère en comparaison de tout ce qui a été ingurgité auparavant, et que les dernières images sonnent comme une réconciliation attendue et bienheureuse arrivant à point nommé pour conclure le récit.
Le film dure en longueur tel le trajet du bus qui n'en finit plus (ces gamins étaient dans le privé pour être aussi loin de chez eux !). On notera des incohérences folles et incompréhensibles, notamment le passage en quelques secondes d'un temps ensoleillé d'été à une pluie d'automne. On ne pourra s'empêcher de rire quand, sous cette même pluie diluvienne, un des personnages, qui ne pouvait sûrement tourner que ce jour-là, incluera dans une de ses répliques "La journée avait bien commencée, il fait super beau"...
Cependant, certaines scènes d'imagination authentiquement adolescente restent touchantes. Gondry réussit à faire de ce film une réelle continuité dans sa filmographie, caractérisée par l'insouciance voire le "je-m'en-foutisme" de certains de ses personnages, et par l'imagination filmée de bric et de broc de ces derniers.
On peut conclure sur une note positive en disant que ce long métrage rappelera forcément des bons moments du collège, et une odeur indicible de nos plus belles années lycéennes. Pour cela, le film se rapproche de la série quasi mythique "Hartley Coeur à vif", qui a bercé toute une génération. Voilà peut-être ce qui rendrait le film meilleur : être une série...