Dans la plus grande majorité des films, on aime à se dire qu'on a trouvé beau tel ou tel plan, plan que l'on retient après visionnage comme un moment marquant. Ici, ce n'est pas possible. En effet, ce serait plus simple (et encore !) de trouver ceux qui sont « en dessous des autres » que l'inverse, et n'oublions pas, tout est relatif ! On en est à lancer un « Waouh » presque à chaque image tant elle est fascinante, et tant elle nous interpelle.

Qu'on comprenne ou non, cela importe peu au final. Dans ce film, tout est touché par la Beauté, avec un grand B : la nature (que ce soit les arbres, l'eau, ou le reflet des nuages dans un immeuble...) ; les mots, leur absence, leurs croisements et leur superposition ; la musique (oh la musique !) ; les personnages et les relations qui les lient...même leur croyance est belle (ah non je ne pensais jamais dire ça un jour !). Tout est merveilleusement réfléchi, pensé, et l'écran semble scintiller de tant de splendeur.

Non, ceci n'est pas une ode à la religion. Loin de là. Moi qui m'attendais à une présentation de celle-ci comme un remède à tous les problèmes, comme c'est le cas dans certaines œuvres, je fus bien positivement surprise ! Ils sont croyants, pour sûr. Mais il y a là en même temps un tel questionnement à propos de la foi, un tel doute quant à elle, que par moment c'en est presque le contraire.

"The tree of life" n'est "ennuyeux" en aucune façon. Saurais-je lui reprocher cette petite longueur, qui n'en est peut-être n'en est une qu'à mes yeux seulement, en tout début lors de la représentation de la création, faites de séquences qui s'étalent un peu trop dans le temps, mais qui en même temps sont quasi ensorcelantes.

Un paragraphe sur la musique me paraît comme un passage obligé, c'est bien plus qu'une bande originale, et ça ne mérite même pas ce terme tant ça va au-delà...Aucune musique n'est desservie, fractionnée ou sacrifiée, il ne s'agit pas ici d'un simple tapis sonore, d'un vulgaire fond pour remplir l'espace que le film ne saurait combler. Nous assistons ici à un véritable concert, et croyez-moi c'est le mot. Rien qu'à voir la longueur de la partie musique dans le générique, on comprend bien qu'elle n'est pas de celles qui tiendraient sur une unique feuille de papier toilette. Non. Des reprises dans le domaine classique tout à fait pertinentes, servant au mieux les images, qui elles aussi leur apportent beaucoup. Et des compositions made in Desplat, Desplat que l'on ne présente plus tant son œuvre est conséquente en matière de cinéma : il est l'un des maîtres incontestés de la musique de film, un compositeur qui n'a absolument plus rien à prouver, en tout cas en ce qui me concerne. Un mariage musique/cinéma qui prend totalement, aucun des deux n'étant prépondérant par rapport à l'autre. Deux choses à part entières qu'on pourrait aussi bien voir séparément tant elles sont consistantes, mais dont l'alliage double leur puissance par deux tant cela colle bien.

Et ce chant des oiseaux qui ne s'arrête jamais que quand il est interrompu par la musique ou le souffle du vent, preuve que la vie et l'espoir font partie intégrante de ce film, malgré le doute que l'on pourrait avoir vu la gravité des sujets évoqués. Notons d'ailleurs à quel point ce film est l'œuvre d'un perfectionnisme, qui fait continuer ce phénomène même après le mot fin, tout au long du générique !

Jamais la mort ne fût aussi belle, si l'on peut dire, disons peut-être plutôt traitée comme telle. Un de ces films qui parvient à traiter le deuil avec une certaine légèreté, qui nous fait sourire maintes et maintes fois, et qui, une fois terminé ne nous laisse pas dans un état de dépression profonde.

Pourquoi pas 10 ? (et croyez-moi l'hésitation fût grande [comme toujours pour moi, ici sur senscitique !], je penchais bien pour le 9,5 en réalité...mais comme il n'existe pas...). Peut-être qu'au final, chaque image est « trop » pensée, dans le sens où elles en deviennent légèrement impersonnelles d'être trop parfaites. On est amenés en face de certains sentiments, et c'est ça qui est merveilleux, réussir à les retranscrire c'est très fort, mais au fond, même de les avoir vus avec une telle clarté, je ne pense pas les avoir ressenti en moi. Des sentiments dans le sens général du terme donc, mais pas tellement dans le sens plus « personnel », qui donne de l'importance à notre jugement de spectateur en tant qu'individu, et non en tant que cinéphile. Alors voilà, oui ça m'a touché, mais pas de la façon dont d'autres films peuvent le faire. Je ne dis pas non plus qu'il est de ces films d'une technique irréprochable qui nous laisse de glace, on en est bien loin évidemment. Malick a poussé la barre très haut sur le plan cinématographique et ce film m'a beaucoup impressionnée, mais il n'est sans doute pas allé chercher assez loin mon intériorité et ma subjectivité pour que j'en sois tout à fait bouleversée.
(A l'exception d'une phrase, qui ne pouvait toucher plus dans le mille, et qui a vraiment résonné en moi du plus bel écho tant elle est douloureusement vraie.)

Des couleurs enivrantes à la beauté de la photographie, de la présence des acteurs à une musique sublime... La magnificence dont ce film est victime semble presque surréaliste d'être à ce point omniprésente...Vous pouvez très bien ne pas aimer ce film (c'est le cas d'un certain nombre puisque, apparemment, il fait débat), ce serait simplement bien dommage pour vous ! Vous manqueriez l'occasion de saisir ces délicieux instants de grâce et de beauté qui s'offrent à vous, l'espace d'un film...

Remarque : Je ne pensais pas la mettre en ligne, mais il y a à mon sens, des critiques bien trop contrastées ici sur la planète senscritique. Aussi autant que l'abonné voulant se faire une idée à propos de ce film, avant de décider ou non d'aller le voir, ait le plus d'avis possibles ! Ne pas se laisser décourager par les remarques négatives, d'ailleurs, c'est bien plus sur le fond que sur la forme que ce film déplaît, donc ne serait-ce que pour sa qualité de plans, prenez le temps d'aller voir par vous-même.

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le 7 déc. 2011

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emmanazoe

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