Sublime mais inaccessible
1. Rendez-vous sur un site de téléchargement de screensavers, prenez-en quelques uns dans la catégorie Espace / Galaxie, rajoutez-y un peu de Eruption / Lave en fusion, cherchez un peu de Désert lunaire, n'oubliez pas un Déluge, puis passez à la catégorie Vie, d'abord cellulaire avec quelques divisions cellulaires, puis aquatique pour les quelques plans de méduses et autres animaux sous-marins, et terminez par la catégorie Planètes
2. Ecrivez un scénario : l'histoire d'un enfant sensible, Jack – élevé par un père parfois autoritaire, voire violent parfois joueur et affectueux, et une mère douce et aimante – vacillant entre jalousie envers ses jeunes frères et instinct protecteur face à la présence du père (ou Père ?) (je m'arrête là pour ne pas spoiler)
3. Rajoutez à ceci les plus grands classiques de la musique classique – un peu de Mahler, Brahms, Berlioz, Gorecki (ma culture s'arrête là, j'en ai reconnu plus mais je serais bien incapable de nommer les compositeurs)
4. Brad Pitt en tête d'affiche. Ah mince, il en faut en deuxième. Bon, va pour Sean Penn, mais alors pas plus de 20 mn dans tout le film. Ok.
Mélangez le tout, et.... Voilà, le dernier Terrence Malick !
Bon, j'exagère. Beaucoup. En réalité, j'ai passé tout le film à hésiter entre « non mais c'est quoi cette daube » et « non mais c'est une merveille ce film ». Mais je suis déçue, voilà tout. Ce film tant attendu, annoncé comme le nouveau 2001, réalisé par Malick lui-même annoncé comme le nouveau Kubrick, m'a vraiment paru inaccessible et sans aucun enjeu dramatique. A plusieurs reprises je me suis dit « tiens, ça pourrait être la fin du film », et en fait non. Et pourtant :
- l'image est absolument somptueuse. Honnêtement, je me suis pris une belle claque : tout est simplement magnifique, chaque plan est une merveille, le beau à l'état pur (y compris les deux « cinématiques » sur la création et la fin du monde décrites en 1.)
- les messages ne manquent pas : la réflexion globale sur la nature et la grâce ne m'a pas paru ridicule du tout, et le thème de l'amour au sein de la famille (et perçu différemment par ses différents membres) est habilement traité en parallèle à celui d'un deuil difficile
- les acteurs font un sans-faute (Sean Penn n'apparaît effectivement que très peu mais peu importe), notamment l'acteur incarnant le jeune Jack
- la musique, classique ou religieuse selon les scènes, est magnifique et joue un rôle primordial (un peu comme dans de nombreux films de Kubrick, encore lui), presque plus important que celui des mots, comme si le film n'était qu'une longue symphonie avec ses différents mouvements et humeurs
Tout était là pour qu'il soit parfait, et pourtant je n'ai rien ressenti pendant tout le film. Aucune émotion. Et ça, même quand le film est visuellement sublime, je pense que c'est quand même un problème. On en ressort avec une sensation étrange, mais difficilement descriptible. Après tout, c'est peut-être ça l'objectif du film. Enfin, je ne sais pas. Allez-le voir (oui parce que je le recommande quand même malgré mon 5/10), vous verrez bien.
NB : Ah non d'ailleurs je me trompe au sujet des émotions : j'ai oublié les deux fous rires généraux dans la salle, le premier à l'apparition des dinosaures en images de synthèse (non mais sérieusement ? Le pire, c'est qu'au moins devant Petit Pied j'avais pleuré, là clairement... bah non), et le deuxième à l'apparition... du signe « Sortie » dans la salle de l'UGC avant même que le dernier plan s'éteigne...
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