Encore une petite perle en provenance du pays du matin calme. J'avais déjà été clairement séduite par The Chaser, me voilà saisie par The strangers, qui m'est plusieurs fois apparu comme une interprétation sud-coréenne de L'Exorciste. Autant vous dire qu'il va falloir vous accrocher car le voyage va vous secouer.
Nous avons droit, comme à l'accoutumée, à une critique au vitriol de la police coréenne - le personnage principale est d'ailleurs flic - toujours aussi incompétente, froussarde, bruyante et bavarde, avec cette propension à s'envoyer des objets à la tronche et à s'engueuler. C'est la touche d'humour de ce film, qui est fort heureuse en regard de la tonalité horrifique du reste.
L'oxygène vient aussi, comme souvent dans le cinéma asiatique, des superbes plans de coupes aux paysages à couper le souffle : vallée éclairée d'une lumière dorée, cascade, branches agitées par le vent.. il y a décidément une âme dans ces éléments et un vivant symbolisme qui file toute la culture extrême-orientale et que je trouve ici très bien rendus.
Il sera aussi question dans ce film de ces esprits qui nous entourent, vivent parmi les vivants en tout anonymat - et ici, sèment la dévastation. Une dimension totalement oblitérée par nos cultures occidentales mais partie prenante de la religiosité intrinsèque à ces peuples. On cherche bien, au départ, une cause rationnelle aux tueries (les champignons) mais bien vite le surnaturel prend le dessus, pour le plus grand bonheur des yeux avides de dramaturgie spectaculaire.
Et de spectaculaire il ne manquera pas dans ce film visuellement très abouti qui offre notamment une scène de double rituel chamanique parmi les plus violentes et oppressantes que j'aie pu voir dans ma vie. Le mélange du tambour incessant, des hurlements, du sang, du feu, des corps qui se tordent : une certaine vision de la magie noire qui mettra vos nerfs au supplice.
Ce film fait-il peur ?
Oui. Il faut voir cette scène du pasteur dans la hutte du Japonais pour comprendre ce que frémir veut dire. Le réalisateur offre au Diable l'un des plus terrifiants visages qu'il ait jamais porté.
On notera aussi l'omniprésence de l'appareil photo dans plusieurs scènes, métaphore de l'image, de la pellicule qui fixe le fugace et n'est autre qu'un symbole instantané du cinéma. Il est aussi un ressort dramatique puissant au potentiel d'effroi très intéressant. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si on retrouve la photo dans bien des productions d'épouvante, à commencer par le terrifiant Shutter.
J'ai aimé que le film soit aussi un mélange des genres déroulant plusieurs thèmes chers au cinéma extrême-oriental : la loi du karma, la relation père/fille, la chasse à l'homme, la science contre l'irrationnel...
Malgré quelques longueurs (le film aurait pu facilement se passer d'une trentaine de minutes), The Strangers est un très grand film, une enquête menée tambour et coeur battants, qui nous place face au plus grand des mystères : l'impossibilité de combattre et de connaître la nature du Mal, qui est de celui qui ne meurt pas.