Lorsqu’un réalisateur est découvert via un premier long-métrage d’anthologie, le plus dur pour ce dernier est de maintenir le cap. Na Hong-jin avait ainsi frappé fort en 2008 avec son The Chaser. Avec The Strangers, son troisième film, le réalisateur natif de Séoul s’inscrit dans le registre du thriller noir, un genre lui permettant de s’épanouir tout en débordant sur le fantastique.


Dans le village de Gok-seong, une série de meurtres extrêmement violents vient bouleverser la vie de ses habitants. Jong-goo, l’un des trois policiers du village, est dépassé par les évènements. Rapidement, une rumeur circule. L’assassin serait un étranger, un Japonais récemment arrivé dans la région et vivant seul dans la forêt.


Na Hong-jin quitte les dédales de la jungle urbaine pour un village reculé, niché au milieu de vertes collines. Ce paysage, d’apparence tranquille, est néanmoins baigné d’une lumière oppressante et d’une humidité malsaine. Le réalisateur conserve son attractivité au jeu du chat et de la souris où proies et prédateur(s) se courent après.


La transition entre une enquête classique de police avec un meurtre commis par un proche atteint de démence et un évènement surnaturel se fait d’une manière se rapprochant de la pensée des protagonistes : ça ne peut pas être ça. Les derniers doutes se volatilisent lors du rituel d’exorcisme mené par un chaman. Ce glissement vers le fantastique est magistral.


Habituellement sans peur, athlétique et/ou doué d’une intelligence peu commune, l’image du policier est ici mis à mal par le réalisateur. Jong-goo est en surpoids, incompétent, légèrement idiot et très peureux. La relation père/fille est également abordée selon un prisme différent. Malgré ses défauts qui font de lui un piètre policier, Jong-goo est un père prêt à tout pour sauver sa fille Hyo-jin.


The Strangers est un récit qui surprend, entraînant le spectateur au fin fond des entrailles du Mal, où Na Hong-jin se plaît à brouiller les pistes. On peut reprocher au film une certaine proportion à l’excès lors de quelques scènes, mais les 2h30 ne paraissent nullement longues. Une belle réussite qui s’inscrit, je l’espère, dans une longue carrière.

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le 16 août 2017

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Vincent Ruozzi

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