Une Palme qui ne se laisse pas facilement aborder. Ruben Östlund aime prendre son temps, aime étendre les scènes, sûrement dans le but d'en retirer la substantifique moelle en laissant tout son temps à l'atmosphère pour s'installer. J'ai pu déjà en faire l'expérience avec Turist qui m'avait donné une impression mitigée, car j'ai eu surtout le sentiment d'avoir affaire à des longueurs injustifiées.


Ici, ce n'est pas le cas, ou moins, car on sent que si quelques minutes étaient retirées de l'ensemble, l'édifice s’effondrerait. Cela ne va pas empêcher d'avoir eu un peu de mal à entrer dans le film, de m'y ennuyer. Mais au fur et à mesure, l'ensemble a fait son effet sur moi, bien aidé en plus par une très grande maîtrise du cadre incontestable.


À propos de cadre, le symbole d'un carré qui s'apparente à une zone de protection, celui du monde élitiste de l'art contemporain, dans lequel seules des personnes comme le protagoniste peut y avoir accès, un milieu intellectuel, de riches, défendant le vivre-ensemble à condition que ce soit entre soi, gens du même monde ; comme, d'ailleurs, n'importe quel autre milieu de gens fortunés, y compris celui du cinéma (oui, j'ai saisi le paradoxe !). On se doute bien que c'est une satire sociale et que la réalité va perturber avec fracas ce monde d'apparence bien lisse. Les valeurs humanistes qu'il est beau de défendre avec des mots le sont moins quand il s'agit de les défendre avec des actes concrets.


La charge est féroce et donne lieu à une suite de séquences souvent assez percutantes. Le point culminant est celui, iconique, de l'artiste torse nu, au milieu d'une réception guindée, prenant un peu trop à cœur son rôle de singe. L'ambiance devient très malaisée, à cause du comportement de l'homme-singe, mais aussi et surtout à cause de celui de l'auditoire. D'autant plus que l'on sait au fond de soi que la réaction des convives ne réagissant absolument pas est malheureusement crédible. On est face à notre lâcheté inhérente quand la banalité de notre vie affronte le moindre ébranlement.


En résumé, le portrait juste d'une classe sociale, d'une société toute entière, de notre époque pas franchement reluisant.

Plume231
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le 18 mai 2020

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Plume231

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