Pfiou ! Quel après-midi mes aïeux ! Je dis ça mais je n'ai pas la moindre idée de l'âge moyen de mes chers lecteurs. Tiens, en voilà une question qu'elle est bonne ! Quel âge avez-vous, chers compagnons de voyage SC ? Par courtoisie, ne répondez pas Mesdames, le charme féminin n'a pas...«On s'en fout, démarre l'usine à blagues, ouvre les vannes !». Je vous entends d'ici. Nan mais quand je dis que je vous entends, c'est pas vraiment...«On s'en tape, parle-nous du film !» Non non mais OK c'est bon, j'ai compris. Quoi ? Mon introduction traîne en longueur ? Normal, je me la joue Iñarritu: j'exploite tous les poussifs du genre.


Beard Man or (The Unexpected Virtue of Vengeance)
Bon, après Les Délices de Tokyo qui a véritablement laissé une empreinte profonde en moi (non Kensh', pas ce genre d'empreinte-là !), me voilà donc embarqué dans une aventure épique, contemplative et neigeuse avec Alejandro. Ca tombe très bien, «je dors au ski» semble être son leitmotiv. Enfin, j'exagère un peu (à peine). L'introduction, l'attaque et la virtuosité des premiers plans séquences renvoient à peu près n'importe quel réalisateur moderne réviser ses gammes à l'école de ciné. Le film d'Iñarritu envoie du lourd, dès les premières images. Les paysages sont d'ailleurs incroyablement bien mis en avant, merci Emmanuel Lubezki et sa capacité à envoyer du rêve avec de tels décors. Les acteurs, Hardy et Di Caprio en tête, sont sur une autre planète. Autant je n'avais aucun doute quant à la solidité de la performance à laquelle j'allais assister de la part de celui qui fut Bronson par le passé, autant pour le parfois cabotin Léo, le doute était permis. Doutes effacés dès sa première apparition. Il en impose et a de la gueule avec sa barbe et sa bave omniprésente (parlera-t-on un jour d'acteur "bavotin" ? La question est posée). Pour le reste une histoire de vengeance somme toute assez classique et un poil (de bête) longue avec un fiston au sang indien au milieu. Vengeance certes précédée d'une belle leçon de survie doublée d'une habile démonstration de ce que l'on pourrait qualifier d'énergie du désespoir. Reste qu'après Birdman, Alejandro nous montre un nouveau super héros, un Avenger. Ben si, après tout, tandis que Glass poursuit Fitzgerald dans cette Amérique sauvage du 19ème siècle, Hawk caille...


Heart of Glace
Le froid, le grand drame de The Revenant que j'ai subi de plein fouet, parfois jusqu'à la paralysie faciale. Car le problème qui s'est rapidement posé chez moi à mesure que le film avançait, c'est que je n'arrivais pas à créer de liens affectifs avec les protagonistes. L'ensemble est d'une telle froideur, et ce n'est pas uniquement dû la neige. A quoi bon réaliser une œuvre aussi immersive si derrière le spectateur ne se sent pas impliqué ? Honnêtement, je ne crois pas avoir vu un seul pet de travers dans la réalisation. C'est «ouah» sur «ouah». Une démonstration technique de tous les instants (bon sang cette attaque de l'ours, la poursuite à cheval, et des dizaines d'autres morceaux de bravoure, c'est grandiose...). Le papa de Babel distille nombre de sensations fortes par le biais des images, et en oublie de distiller des émotions fortes par le biais d'une histoire. Pas "une histoire" dans le sens "un scénario", car ce dernier est bien là, aussi dépouillé soit-il. Mais les personnages manquent cruellement d'âme, de background, de caractérisation. Je me retrouve face à de pauvres hères lambda qui se les gèlent sous mes yeux pour quelques (ori)peaux de bêtes, et faute d'identification, faute d'une raison autre qu'une bête vengeance d'un père, la sauce ne prend qu'à moitié, l'émotion fond comme peau de chagrin. Ce Man vs Wild vertigineux demeure agréable à suivre toutefois, ne serait-ce que pour l'imagerie et/ou la performance des acteurs, bravant des conditions inhumaines. Ah, aussi, je sais pas pourquoi mais Iñarritu doit être un fétichiste des yeux d'équidés (y'a un mot pour ça ?). On a au moins deux scènes dans lesquelles un cheval regarde la caméra au premier plan, c'est un peu troublant, et pas forcément très utile à l'histoire. Jument fou un peu pour tout vous dire, alors je fais quoi, jument vais ? Mais à un moment, oh non ! Jument gît. Là par contre, j'ai eu mal.


♫ Scarred Glass s'répare, Scarred Glass en place ♫
Enfin, j'ai eu à plusieurs reprises la sensation que la caméra était un frein à l'émotion. Du sang, de la buée. L'objectif est aussi maltraité que les hommes qu'il pointe. Un stratagème final avec une scène explicative juste avant, histoire d'annihiler tout effet de surprise et d'être sûr de ne perdre personne en route. Pourquoi un tel académisme alors que jusque là tout n'était que contemplation, et que même la suggestion était parfois de mise ? Pourquoi ces effets ? Pour prouver au monde (aux Oscars ?) que l'équipe a bravé mille dangers ? Que Léo en a littéralement bavé des ronds de chapeaux pour mériter sa statuette ? («sa mère l'ours», ai-je presque envie de m'exclamer vu les circonstances !). Alors oui sur grand écran le spectacle est total, il n'empêche que je me suis senti plus d'une fois écarté des événements. Je suis tout de même ravi d'avoir pu découvrir le film en salles, et je pense sincèrement que si mon baptême avait eu lieu dans des conditions moins avantageuses, le film aurait perdu un ou deux points au passage. C'était pas gagné, plus de trappeurs que de mal donc, je n'en reviens pas.

Gothic
7
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le 28 févr. 2016

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