Voir le film

À force de visionnages, de lectures et de mises en perspectives, il arrive qu'on oublie le film en tant que tel pour replacer l'objet dans un plan global, la filmographie de son auteur/autrice. On cherche à l'imbriquer comme une pièce dans un vaste puzzle, or l'expérience nous apprend que l'œuvre cinématographique est une matière mouvante, conditionnée par nombre de variables (ajustements, doutes, remises en question). Si en plus le personnage principal rompt totalement avec ceux qui l'ont précédé, où va-t-on ? Hors de la zone de confort, et c'est bien ce que cherchais Jane Campion en adaptant The Power of the Dog.


Pour être honnête, elle y arrive vraiment dans sa deuxième heure. La première moitié ne manque pas d'arguments, surtout grâce à son casting. Mais l'originalité et la subtilité ne seront pas de mise durant cette (trop) longue exposition. On assiste à un curieux jeu de chaises musicales, tel personnage-clé disparait un temps pour revenir tandis qu'un autre occupe l'espace pour ensuite être relégué au second-plan. Ce qui importe met longtemps à émerger, alors que l'ennui n'était jamais bien loin. Tout à coup, alors qu'on commence à percevoir l'idée, un zeste de venin infuse et trouble légèrement la vision.


On voit deux mondes ou plutôt deux ères s'affronter, l'une au crépuscule, l'autre à l'aurore. Le Far-West a asséché tous ses charmes, ce qu'il reste du mythe serait répugnant s'il n'y avait une zone furtive où la flamme brûle encore. Alors que son temps est compté, que pourrait-il léguer par delà les traditions et la sauvagerie ? Les personnages évoluent en se confondant avec leur environnement, dans leur simplicité ou leur impassibilité, une énigme coriace qu'on s'échine à solutionner. Campion extirpe de ses interprètes juste ce qu'il faut pour parasiter nos certitudes. Rien n'est compliqué, tout est là sous nos yeux, derrière les très bonnes prestations de Benedict Cumberbatch et Kirsten Dunst, à qui la détresse va si bien.


Une fois qu'on a la réponse, il s'avère que The Power of the Dog est autant le fruit d'une union entre moult talents que le dernier-né énigmatique mais harmonieux dans la carrière de Jane Campion. S'il y avait bien une motivation derrière le film, c'était bien de prendre une direction, parallèle et/ou contraire. Dans les deux cas, les routes croisent immanquablement des thèmes déjà forts dans les précédentes excursions de la réalisatrice.

ConFuCkamuS
6
Écrit par

Créée

le 14 janv. 2022

Critique lue 234 fois

1 j'aime

ConFuCkamuS

Écrit par

Critique lue 234 fois

1

D'autres avis sur The Power of the Dog

The Power of the Dog
Plume231
3

Ce peu obscur objet du désir !

Le protagoniste, ou plutôt l'antagoniste, incarné par Benedict Cumberbatch, veut visiblement réaliser l'exploit de faire comprendre en aussi peu de temps que possible qu'il est un gros con. En deux...

le 1 déc. 2021

65 j'aime

16

The Power of the Dog
mymp
8

Mise à mort du mâle sacré

"I wanted to say how nice it is not to be alone". Alors qu’ils viennent de se marier, Georges, à travers quelques larmes, avoue cela à Rose, la femme qu’il vient d’épouser. Lui avoue que c’est...

Par

le 10 déc. 2021

60 j'aime

6

The Power of the Dog
Sergent_Pepper
7

Shadow of a cloud

Alors qu’elle vient de perdre son triste titre d’unique femme à avoir obtenu la Palme d’or et qu’elle n’était pas revenue au long métrage depuis 12 ans, il était temps que des retrouvailles...

le 2 déc. 2021

44 j'aime

4

Du même critique

Dune
ConFuCkamuS
4

Anesthésie Spatiale

Peut-on partir avec un avantage si l'on décide d'aller voir l'adaptation d'une œuvre matrice dans la littérature ? Oui, en ne l'ayant pas lue. Il n'est pas toujours aisé de jongler entre...

le 15 sept. 2021

66 j'aime

8

I Care a Lot
ConFuCkamuS
4

Épigone Girl

Dur d'échapper à son rôle phare. Propulsée sur le devant de la scène avec le rôle d'Amy dans le d'ores et déjà classique Gone Girl réalisé par David Fincher, l'actrice Rosamund Pike n'a pas ménagé...

le 20 févr. 2021

60 j'aime

Les Trois Mousquetaires - Milady
ConFuCkamuS
3

Tous pour presque rien

Huit mois, ça peut être un vrai obstacle à la compréhension à l'ère du streaming et du binge-watching. Tout spécialement si vous vous lancez dans la suite d'un film pas très fameux, et que cette...

le 13 déc. 2023

47 j'aime

7