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Le western est un genre qui se meurt, en pleine agonie depuis "Unforgiven" de Eastwood. Je caricature, on a eu droit à quelques bons depuis lors, y compris "Brokeback Mountain", n'empêche que les quelques auteurs contemporains qui s'y aventurent ne semblent pas trop connaître le genre et se contentent de raconter des récits sociaux chiants. "The Power of the Dog" en fait partie (en plus de reprendre quelques thèmes à "Brokeback Mountain", mais traités différemment) ; malgré tout ça reste regardable. Mais bon, à quand un vrai western avec un récit intéressant, qu'il soit porté sur l'aventure ou non, mais où on développe solidement le thème et où on nous épargne le duel qui s'est plus traditionnalisé avec le western spaghetti qu'avec les premiers westerns (il y en avait déjà mais on pouvait trouver plein de bons films sans devoir supporter ces scènes stupides où tout d'un coup les personnages se fixe d'un bout à l'autre d'une rue et joue à qui a la plus grosse). Il y a de bons duels, bien sûr, mais disons que dans la plupart des films contemporains qui ne jouent pas la carte du social mais qui veulent faire de l'action, ces scènes sont inévitables, très mal construites et et pauvrement développées. Soit.


Le petit monde présenté ici est plutôt intéressant, les personnages donnent envie de mieux les connaître. Le souci, c'est qu'ils sont nombreux et que l'auteure peine à les exploiter tous, du coup on se retrouve avec des gros trous : la mère et le frangin dont l'évolution peine à convaincre tant ils sont soudainement relégués au second plan. La mise en place est de ce fait inutilement longue, puisque l'intérêt du film, c'est cette relation toxique entre cet homme dur qui va jouer la figure paternelle et ce fiston-chochotte des temps western. L'idée qui fait tout l'aboutissement du film est excellente, mais assez pauvrement préparée, car cette puissance du maître de ce ranch, on ne la ressent pas. Certes, la mère se met à picoler, c'est terrible, mais au final ça apparaît plus comme un choix de sa père que la véritable conséquence d'un harcèlement quotidien, surtout que les auteurs n'hésitent pas à faire passer le temps très vite, on a donc beaucoup de mal à se rendre compte à quel point il peut être dur de vivre tous les jours dans ce ranch au milieu de nulle part, avec des hommes agressifs tandis que le mari semble constamment absent. Et donc on s'ennuie. Surtout qu'il y a un jeu de suspense, on nous cache le plan du fiston, on ne le comprend que très tardivement, même si on se doutait que quelque chose comme ça se tramait. Donc on ne profite de rien. On appréciera tout de même les non dits en ce qui concerne cet homme qui est censé impressionner, en fait, une fois la découverte des magazines, on comprend comment décoder tout ce que ce gaillard viril peut raconter. Et l'on en vient à se dire que finalement, le pauvre a gosse a plus de chance de se faire violer que de se faire abattre (non pas que les homo soient des violeurs en puissance, ho, j'ai pas dit ça, juste qu'il y a tellement de sentiments refoulés, tellement de frustration dans sa vie de vacher, qu'il n'aurait pas été étonnant qu'il en vienne à cela, en pleine confusion). On appréciera aussi le fait que tout est conflictuel, donc forcément ça crée de la tension, parfois pour pas grand chose. Et puis surtout, les personnages ont tous du potentiel. L'auteur ne parvient jamais à tous leur donner ce qu'ils méritent, mais on suppose que ça va venir, donc on se prend au jeu (la mère, franchement, je m'attendais à bien plus, mais j'aime quand même beaucoup ce personnage).


La mise en scène est correcte. Pas assez observatrice des éléments naturels (malgré le concept du chien-montagne), mais la photographie est bien travaillée, les décors sont chouettes, les costumes et autres détails de reconstitution convainquent assez bien (jusqu'à la coiffure de Kirsten) ; Benedict est le seul que je trouve moins à sa place, certes il dégage une certaine sensibilité qui le rendent convaincant dans ce rôle d'homo refoulé, par contre il manque de charisme pour jouer au caïd, et ainsi les moments où les gens le craignent ou lui obéissent ne sont pas très réussies. Les autres acteurs sont très bons, on appréciera surtout les interprétation de Kirsten et Kodi, qui bouffent l'écran à chaque apparition, l'une par sa mélancolie, l'autre par sa difficulté à s'adapter au monde qui l'entoure. Le découpage est correct, bien pensé la plupart du temps, on trouvera juste dommage l'insistance avec laquelle la réalisatrice film le tressage de corde, symbolique 1000% homo qui est utile narrativement mais qui ne nécessitait pas d'être montrée aussi frontalement, parce qu'une 'subtilité' pareille, ça revient au même que de crier dans l'oreille.


Bref, pas un mauvais film au final, mais c'est décevant, ça aurait pu être bien plus poussé, plus fort.

Fatpooper
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le 31 déc. 2021

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Fatpooper

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