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le 12 mai 2022
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Quand on m'a vendu un film bien documenté sur les vikings à la Conan le Barbare avec du mysticisme/onirisme et Willem Dafoe parmi le casting, je peux dire que j'ai foncé voir le film. Mais j'ai été d'autant plus étonné de voir que The Northman adapte en fait l'histoire qui a inspiré le Hamlet de Shakespeare : l'épopée de Amleth dans La Geste des Danois.
Choses confirmées par l'équipe créative. Du coup, on se retrouve à mi-chemin entre un drame shakespearien (y compris dans les dialogues, les personnages ont une certaine diction même quand ils ne sont pas d'extraction noble comme le personnage principal), un Conan le Barbare par Milius (car le héros passe de chiffe molle à armoire à glace qui aime écraser ses ennemis, les voir mourir devant soi, écouter les lamentations de leurs femmes), et de la mythologie et vibe nordique sauce Alfadhirhaiti de Heilung.
Bref, pour être mauvaise langue, on pourrait y voir aussi un Hamlet version Arnold Schwarzenegger mais en heureusement plus sérieux et plus crédible/réaliste historiquement (sans on fait abstraction des scènes de rêves qui sont très bien aussi).
The Northman décrit très bien les société nordiques de 895 allant de l'Angleterre occupée par le Danelaw à la Ruthénie (la Russie viking). Aussi intéressant de voir que certaines pratiques aient pu inspiré certains mouvements culturels actuels (du moins, je vois ça comme ça ^^') :
Les berserkers qui hurlent comme des loups et portent des peaux d'animaux ressemblent à des ancêtres des furries - oui, désolé de voir ce genre de références partout XD - et la scène avec le shaman en masque de cuir et demandant à Amleth et son père de se conduire comme des chiens avant de redevenir hommes lors d'un rituel de transmission de pouvoir fait un peu "puphood" (les types avec des masques de chiens en cuir qui font un peu "puppyplay/BDSM") sur les bords. Mais bon, j'exagère, et cetera et cetera x)
D'ailleurs, cette scène de rituel révèle aussi un bel imagerie mythologique (l'Igdrasil, le Valhalla, le chamanisme, etc.) Et contrairement au film de Milius, on passe direct de Amleth chiffe molle à Amleth musclus bicepsus, une éllipse certes mais qui n'est pas aussi ridiculisée que "pousser des roues pour pousser les biscottos". Le film gagne ainsi en crédibilité.
Il y a bien sûr des scènes dignes de films de fantasy à la Krull également mais il s'agit de rêves et d'hallucinations donc d'un symbolisme bien intégré et bienvenu :
Exemple : C'est de la que venait notamment la Valkyrie avec un "appareil dentaire" qui fesait jaser. Outre ce truc qui était plutôt présent chez les vikings hommes selon certains historiens, il s'agit d'un rêve et d'une allégorie de l'arrivée au Valhalla donc c'est pardonnable.
Aussi à noter que le film est moins manichéen qu'on ne le pense, c'est pas le pauvre gentil Amleth contre son méchant oncle Fjölnir qui a tué son père et kidnappé sa mère pour la forcer ensuite à lui faire deux rejettons dont un insupportable snob et un jeune innocent, c'est plus nuancé que ça :
Après sa fuite, Amleth rejoint des pillards vikings qui tuent aussi des femmes et des enfants, et il laisse faire. Puis il tue ses beaux-frères et même sa mère après qu'elle ait révélé qu'elle avait trahi son père pour épouser Fjölnir et le faire s'emparer du trône de Hrafnsey à sa place car elle détestait son premier époux pas si pur que ça (il était pervers, sa mère était sa "pute" alors, et Amleth était un accident).
Ce qui fait que c'est pas le "gentil Amleth" contre le "méchant Fjölnir", c'est tout simplement protagoniste contre antagoniste, même si le deuxième est esclavagiste, les deux sont techniquement des salauds pères de familles :
(car oui, le héros fout Olga, une alliée de choix jouée par Anya Taylor-Joy en cloque et elle s'enfuit après pour protéger sa lignée).
Les scènes finales sont surprenantes aussi bien parce qu'elle laissaient présager que le héros dévierait du schéma de film de barbare/fantasy, et bien même quand il prend le virage "habituel" c'est assez bien :
Amleth voulait laisser tomber sa vengeance car sa mère qu'il voulait sauver à la base, est une traîtresse, et il voulait partir avec Olga pour oublier tout ça. Mais il s'est souvenu que Fjölnir pourrait vouloir se venger de ses enfants alors il décide de le tuer pour les protéger. Ils se battent alors dans un volcan ... et s'entretuent. Amleth est toutefois heureux d'avoir protéger sa famille et se voit s'envoler au Valhalla.
Car même si la logique chrétienne/occidentale condamnerait les actions de Amleth (qui est quand même un sacré hypocrite quand on y pense), la voie des Vikings récompensent ceux qui périssent la main à l'épée, surtout si elles protègent des lignées et accomplissent des destinées.
Bref, Robbert Heggers rend hommage à Hamlet/Amleth et à la figure du héros de mythologie de façon plaisante, et son film mérite de figurer au panthéon du genre.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes 2022 : Mes Chroniques Filmographiques et 2023 : Mes Chroniques Filmographiques
Créée
le 21 mai 2022
Modifiée
le 21 mai 2022
Critique lue 27 fois
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