Remarquée avec le réussi et non moins étonnant Mister Babadook, Jennifer Kent aura mis quatre ans à accoucher d’un second long-métrage pour le coup bien différent de son drame horrifique. Nous embarquons donc dans l’Australie de la fin du XIXe siècle, à l’époque les colons britanniques faisaient régner la terreur et assouvissaient les aborigènes locaux. C’est dans ce décor lugubre que la jeune Clare (impressionnante Aisling Franciosi), son mari et leur bébé, immigrés irlandais, vivent sous le joug d’un bataillon britannique, payant leur dette pour un crime inconnu et attendant bien patiemment leur liberté après des années de servitude. Mais un soir, le Lieutenant Hawkins (détestable Sam Claflin) dépasse les bornes : accompagné de deux soldats, il viole Clare, tue son mari, leur nouveau-né, et laisse la jeune femme pour morte. Bien décidée à se venger, elle part sur leurs traces avec un aborigène méfiant. Voilà pour le pitch.


Comme pour Babadook, la réalisatrice australienne décide de présenter une intrigue sans musique, souhaitant renforcer le naturel des évènements et coller au plus près de ses personnages. Le résultat peut s’avérer réussi sur de nombreux passages quand il peut en desservir d’autres ; le viol de Clare par exemple est insoutenable sur le papier mais pas vraiment de la même trempe à l’écran, le montage hasardeux et l’absence de tonalités musicales donc privant le spectateur de réelle tension en dépit de la situation horrifiante. Particulièrement lent sans être pour autant contemplatif, le film prend son temps, parfois un peu trop, Kent privilégiant les rapports humains de manière souvent grossières mais jamais larmoyantes, notamment sur l’amitié naissante entre notre héroïne et son compagnon de fortune (la révélation Baykali Ganambarr).


The Nightingale marque ainsi un tournant inattendu pour la réalisatrice qui présente un long-métrage à la fois balisé et atypique, embarquant le spectateur à contre-courant en ne proposant jamais une suite d’évènements prévisible. En revanche, le rythme langoureux parfois déroutant au sens propre du terme aurait mérité un montage un poil plus maîtrisé tandis que quelques coupes dans le récit auraient pu rendre le tout plus lisible et plus efficace. Reste de ce deuxième film une franche réussite, un western crépusculaire sur fond de rape and revenge froid et désespéré, certes imparfait et pas foncièrement mémorable visuellement, mais néanmoins violent et sans concession, prouvant que Jennifer Kent est une auteure à suivre indéniablement.

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le 11 juin 2020

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