The Movie Orgy
7.7
The Movie Orgy

Documentaire de Joe Dante (1968)

C'est avec les yeux (très) lourds mais le coeur léger que je me lance dans cette critique, l'esprit encore tout émoustillé par l'excellente expérience que fut The Movie Orgy lors de cette nuit à la Cinémathèque, même si la médiocrité de Piranha couplée à la fatigue a fortement testé mes nerfs entre temps. Car The Movie Orgy est effectivement bien davantage une expérience (à vivre collectivement d'ailleurs) qu'un film a proprement parler. C'est même on pourrait dire à l'origine des "mash-up" que l'on ne connaît que trop bien actuellement avec Youtube, mais c'est surtout bien plus.


Je m'excuse d'avance si la suite de ma critique apparaîtra assez brouillonne au fil de mon écriture, mais j'ai fait le choix d'écrire instantanément sur le film, à peine rentré chez moi sans avoir dormi depuis pas mal d'heures. Parce que je me dis que même ne serait-ce qu'écrire le lendemain ferait perdre de la saveur à un enthousiasme à son summum à l'heure où j'écris ces lignes.


Mais bref, déjà pour présenter le film, il s'agit d'un "collage" (cf Joe Dante) long de plus de 4h de divers extraits de films, émissions de télévisions et publicités des années 60, assemblés à partir 1966 dans une version qui évoluera au fil des projections sur les campus américains pour finalement donner la version que l'on connaît aujourd'hui (et qui vient d'être projetée pour la deuxième fois seulement en France ce samedi 4 mars 2017). Un moment assez unique dans une vie de cinéphile donc, dont vous pouvez vous en douter je suis ravi d'avoir participé.


Je ne pense pas qu'on puisse interpréter quoi que ce soit dans cette immense collection d'images, en revanche il y a assurément plusieurs strates de lecture à détacher sur l'expérience de visionnage, ce que je vais essayer de faire ici.


1) Déjà, la plus évidente, le divertissement contenu dans les extraits en eux-mêmes. Il faut bien avouer que Joe Dante n'a globalement pas choisi les films les plus glorieux de l'époque, mais au contraire pour la plupart des films de genre de séries B (western, fantastique, film noir, SF,...) voire en-dessous. Du coup, beaucoup de contenu fait rire en soi, par certains dialogues, créatures ou gimmicks de réalisation. La plupart des publicités ne sont pas toutes choisies au hasard non plus, et on reconnaît tout de suite la veine critique de Joe Dante envers la société américaine. Le rythme ainsi varie fréquemment, pouvant passer d'une scène assez longue au sein d'un même film à un montage rapide de champ-contrechamps sur plusieurs programmes.


2) Et on en vient du coup à l'énorme travail de montage que constitue ce film, allant bien au-delà du "simple" collage de plans auquel on pourrait s'attendre. Joe Dante, à coup de montages alternés et autres procédés stylistiques, joue constamment avec le spectateur de l'époque comme celui d'aujourd'hui, en déjouant ses attentes ou en fonçant droit dedans parfois aussi pour procurer un pur plaisir cathartique. Tantôt ça jouera avec le sexisme des programmes de l'époque pour faire de l'humour graveleux, tantôt ça critiquera assez férocement la propagande militariste (puisque le film est contemporain de la guerre du Vietnam), et tantôt ça se fera simplement témoin de son époque. Et le moins que l'on puisse dire concernant les publicités et les émissions de télévision, encore plus que les films de séries Z, c'est que le temps ne leur a pas fait de cadeau... (je me souviendrai notamment du fameux trio de publicités pour les "hommes sensibles", particulièrement atroces et hallucinantes).


3) Troisième niveau de montage : les répétitions de scènes d'un même film, de personnages voire de répliques qui construisent non seulement de l'humour supplémentaire, mais aussi une sorte d'histoire faite de récits multiples alternés, dotée d'une méta-réflexivité assez intéressante sur ce qui fait d'un film "un film". Pour parler plus clairement, les évolutions en parallèle des nombreux récits au cours du mash-up témoignent d'une manière ou d'une autre des mécanismes de narration propres aux films de ce genre et de cette époque. Et The Movie Orgy joue clairement là-dessus, ne serait-ce qu'avec les nombreux génériques de début et de fin, les apparitions des créatures, le moment où elles sont vaincues, etc.


4) Dernier point, un peu plus "branlette" sûrement mais je m'en fous, j'aime aller loin avec ce film. A posteriori, je trouve passionnant d'étudier le film en tant qu'expérience collective, parce qu'à mon sens elle permet de mieux comprendre la façon dont on réagit face à un film, et ce pourquoi un film est un film et non pas juste un montage. Par exemple, un extrait m'a particulièrement frappé : celui des deux amants qui se séparent et finissent leurs jours séparés et malheureux. Un extrait qui a beaucoup fait rire la salle, justement parce qu'il s'agit d'un court extrait, placé à tel endroit et dans une ambiance générale essentiellement propice à la comédie (en tout cas, pas au drame), et dont la portée dramatique est tellement extrême qu'elle fait s'esclaffer. Alors que le passage en question, pris dans l'engrenage du film dont il est extrait, serait probablement déprimant, voire bouleversant, qui sait...


Sur ce, je vais m'arrêter là, car je ne vois pas quoi en dire de plus à l'heure actuelle. Ce serait cool qu'un approfondissement puisse se créer dans les commentaires ou sur d'autres critiques en fonction des expériences des autres spectateurs, parce que je suis persuadé que le visionnage de The Movie Orgy possède suffisamment de richesse pour en arriver là.


En attendant, je vais enfin pouvoir pioncer un peu !

Antofisherb
9
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le 5 mars 2017

Critique lue 828 fois

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Antofisherb

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