Bloqués pendant des semaines sur une île paumée au milieu de nulle part,Thomas, un vieux gardien de phare et Ephraïm, son jeune assistant, vont chacun éprouver à leur manière les affres de la misère affective et composer comme ils peuvent avec leur frustration sexuelle.
Le premier, campé par un Willem Dafoe au meilleur de sa forme, mélange de capitaine Haddock et de capitaine Achab, érige le phare lui-même en objet transitionnel de choix. Construction phallique au centre de toutes les attentions - il s'agit contre vents et marée de maintenir la flamme allumée - le phare et sa lanterne magique deviennent le lieu privilégié de sa jouissance autant que de sa toute puissance. Nuit après nuit, reclus dans la plateforme supérieure, le vieux livre son corps à une créature dont on ne saura jamais si elle relève du fantastique (élément surnaturel) ou de la fantasmatique (situation imaginée). Car la seule chose que l'on aperçoit furtivement est un tentacule. En soi, trouver un tentacule à ce stade de l'histoire n'a rien de surprenant car, il faut le dire, le tentacule ne manque pas d'arguments en matière de fantasme. Les Asiatiques en savent quelque chose, qui l'ont mis à la sauce érotique depuis déjà bien longtemps en attestent ces estampes où pussy et octopussy font des rimes croisées. Déjà, dans La Région Sauvage, le film d'Amat Escalante, c'est un poulpe d'outre espace qui en faisait voir de toutes les tentacules à celles qui, acculées dans son antre de fortune, découvraient l'extase ventousatoire. Et, toujours venant de l'espace mais plus prosaïques dans leur moeurs, les pieuvres polyglottes de Premier contact ou celles, pacifiques de Monsters, prouvaient qu'il n'y a pas que le langage de l'amour que les céphalopodes savent maitriser.
Bref, le vieux en pince pour la ventouse.
De son côté, le jeune a fort à faire avec une autre figure très classique de l'érotisme marin : la sirène ! D'abord sous forme d'une petite statuette en os oubliée dans son matelas par son prédécesseur, puis d'une "véritable" femme-poisson échouée sur le rivage qui ne tarde pas à vampiriser les nuits d'un Robert Pattinson qui s'en trouve tout (é)branlé.


Dans sa dernière ligne droite, le film se cantonne à montrer l'irréversible déchéance psychologique des deux hommes livrés à un alcoolisme compulsif. Car l'un comme l'autre finissent par préférer la binouse aux ventouses et les empoignades viriles à l'onanisme solitaire. Ça picole et ça castagne. Ça tise et ça vocalise. Ça suce du goulot encore et encore et au diable la dignité, les deux hommes frôlant à force d'enivrement, l'accolade amoureuse. Mais alors que le film aborde ici une thématique qu'il eut été intéressant de creuser, comme dans Wake in fright de Ted Kotcheff, il s'enferme à ressasser la dégradation morale des deux protagonistes. Jusqu'à épuisement.


Quant au spectateur, il ne sait pas très bien à quoi il a assisté. Sur la forme, à un sacré numéro d'acteurs et côté esthétique, à un noir et blanc charbonneux en format carré assez réussi. Mais pour ce qui est du fond, The Lighthouse ne réussit jamais à prendre complètement de la hauteur et, c'est un comble, donne l'impression de finir en queue de poisson.


Un film singulier qu'il reste intéressant de découvrir.


Personnages/interprétation : 8/10
Histoire/scénario : 5/10
Réalisation/mise en scène : 6/10


6.5/10

Créée

le 24 déc. 2019

Critique lue 3.1K fois

29 j'aime

13 commentaires

Theloma

Écrit par

Critique lue 3.1K fois

29
13

D'autres avis sur The Lighthouse

The Lighthouse
Sergent_Pepper
5

(ultra) Light my fire

Il se passe clairement quelque chose dans le cinéma de genre américain, et après une série de réussites réjouissantes (It Follows, Hérédité, The Witch), on est nombreux à attendre de voir se...

le 18 déc. 2019

136 j'aime

19

The Lighthouse
Grimault_
7

Sans soleil

L’affluence extraordinaire laissait déjà entendre à quel point The Lighthouse était attendu lors de ce Festival de Cannes. Sélectionné pour la Quinzaine des Réalisateurs, le film de Robert Eggers...

le 20 mai 2019

82 j'aime

10

The Lighthouse
JKDZ29
8

Plein phare

Dès l’annonce de sa présence à la Quinzaine des Réalisateurs cette année, The Lighthouse a figuré parmi mes immanquables de ce Festival. Certes, je n’avais pas vu The Witch, mais le simple énoncé de...

le 20 mai 2019

77 j'aime

10

Du même critique

Us
Theloma
7

L'invasion des profanateurs de villégiature

Avec Us et après Get Out, Jordan Peele tire sa deuxième cartouche estampillée "film d'horreur". Sans vraiment réussir à faire mouche il livre un film esthétiquement réussi, intéressant sur le fond...

le 21 mars 2019

107 j'aime

33

Ad Astra
Theloma
5

La gravité et la pesanteur

La quête du père qui s’est fait la malle est un thème classique de la littérature ou du cinéma. Clifford (Tommy Lee Jones) le père de Roy Mac Bride (Brad Pitt) n’a quant à lui pas lésiné sur la...

le 18 sept. 2019

97 j'aime

55

Life - Origine inconnue
Theloma
7

Martien go home

Les films de série B présentent bien souvent le défaut de n'être que de pâles copies de prestigieux ainés - Alien en l’occurrence - sans réussir à sortir du canevas original et à en réinventer...

le 21 avr. 2017

81 j'aime

17