Une histoire peut en cacher une autre


Il était une fois, sur un île lointaine et isolée du monde plongé au cœur du XIXème siècle, un Phare, oui un Phare, pour l'entretenir, deux hommes énigmatiques furent réquisitionnés pour l'entretenir et ainsi guider les téméraires marins s'approchant trop près du large. Le jeune homme en phase d’apprentissage et le vieux loup de mer qui sait tout se préparent ainsi à une cohabitation d'un mois, durant laquelle ils partageront absolument jusqu'au point de non retour... ?


Voilà un résumé plutôt fidèle du Synopsis du film dont je vais vous parler aujourd'hui.


Un réalisateur à suivre
Mais revenons un peu en arrière, The Lightouse est second film du jeune réalisateur Robert Eggers qui avait su marquer les esprits avec The Witch pour son angle, son souci du détail et sa finalité maligne et terrifiante. C'est donc avec ce bagage que "son phare " se retrouve propulser en pleine Quinzaine des réalisateurs pour l'édition 2019 du Festival de Cannes. Et le bougre a su bien s'entourer, William Dafoe que l'on ne présente plus et qui reste l'une des meilleures figures du cinéma de Wes Anderson et Robert Pattinson qui une décennie plus tard continue d'être caricaturé pour son rôle dans Twilight alors qu'il possède l'une des plus belles carrières actuelles du cinéma US. Et puis bordel, c'est Batman !!


Mankiewicz mon Amour
Revenons donc à présent en Nouvelle Angleterre ou nous attendent nos deux héros du jour, dès le départ le ton est donné, format en 4/3, filtre atypique flirtant entre le noir et blanc et des couleurs éteintes, presque sans vie, mutique dans son premier quart d'heure, avec pour seule compagnie une ambiance sonore qui pose ses marques. Le film happe rapidement son spectateur et l'emprisonne dans ce Phare avec ces protagonistes pour ne les relâcher que lors de son dénouement.
L'exercice du huis clos n'est pas chose aisée, il faut savoir faire vivre son environnement seul repère et lui donner un cachet particulier, il faut donner de la consistance à ses personnages avec qui nous allons cohabiter. J'ai pensé à Mankiewicz et son fantastique Sleuth qui avait su pousser à son paroxysme cette configuration mais aussi à son adaptation de Jules César pour l'intensité de ses dialogues. Parce que l'une des grandes qualités de récit réside dans ses joutes verbales qui sonnent tantôt comme une mise à mort tantôt dans l'euphorie et découlent parfois sur une tension complètement annihilée par une dose rafraîchissante d'humour proche de la folie.


Robert Eggers se régale dans son rôle et dirige ses deux acteurs à la perfection, et se permet le luxe avec son directeur photo nous inonder de plans à couper le souffle en jouant avec la lumière sur les visages d'une toute beauté. L'authenticité de ses décors, le soin apporter au sound design qui contribue grandement à cette atmosphère pesante, glauque et étouffante viennent parachever une équation gagnante.


Et qu'est ce tu racontes ?


Comme souvent avec le cinéma contemplatif, on pourra lui reprocher rapidement de ne rien raconter d'autre qu'un exercice de style, pire, d'utiliser ces artifices de façon à détourner le regard du spectateur qui ne rend pas compte ainsi de la vacuité de son récit.
De mon côté j'ai toujours pensé que le cinéma pouvait se permettre d'être une oeuvre immense face à l'expérience proposée tant que la cohérence de l'oeuvre tient la route. Mais je ne pense pas que The Lighhouse soit uniquement de la poudre pour les yeux, il y a une réelle volonté en confrontant ses deux hommes de revenir sur les fondements des conflits entre les hommes. Cette vacuité, je la vois plutôt dans la façon dont chacun perçoit l'autre avec ses préjugés, et ses clichés mis en avant tantôt par l'un, tantôt par l'autre, le vieux loup de mer qui ne voit le jeune uniquement comme un gamin inexpérimenté, plus handicapant qu'autre chose. Le jeune qui considère de con côté l’aîné comme un condensé du stéréotype du vieux marin mais ne serait au final qu'un ivrogne en fin de vie.


Et toutes ces légendes empruntées à la Mythologie grecque et du monde marin ne fait que renforcer ce retour aux sources et cette boucle intemporelle dans laquelle notre jeune héros imagine que la libération se retrouvera au sommet du Phare.


Du coup c'est bien ?


The Lighthouse est à mon sens une oeuvre colossale qui fera couler beaucoup d'ancre ( phare, bateau, jeu de mot, tout ça tout ça ) dans les prochaines semaines. Ne laissant rien au hasard, prenant le soin de peaufiner chacun de ses plans avec une maîtrisé totale, il est de plus incarné par deux figures dantesques récitant des punshlines avec une force et une intensité assez folle. J'ai eu du mal à sortir de ce Phare et de son ambiance sonore hypnostisante, et dans cette antre de la folie, je suis prêt à y retourner dès que possible.

Kobayashhi
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes 2019, voici le testament de mon année à regarder des films, à m'émouvoir, à frissonner, à rigoler, j'ai hâte. et Les meilleurs films de 2019

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le 20 mai 2019

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