S'il y a une chose plus difficile à supporter que les films où l'on fait souffrir des enfants, c'est peut être bien ceux où les enfants sont eux mêmes des tortionnaires : il est difficile d'admettre, même si dans le fond nous avons tous des souvenirs personnels qui le corroborent, que l'enfance est loin d'être synonyme d'innocence. Le film d'Eskil Vogt, qui n'a rien à voir avec le classique de Jack Clayton, mais bien plus avec le Village des Damnés, se nourrit pleinement de cette profonde horreur que tout un chacun ira ressentir devant le spectacle de crimes perpétrés par des enfants de 10 ans, en particulier contre leurs parents et au sein de leur groupe. Rajoutez à ça un meurtre de chat, et vous atteignez un seuil d'insoutenable qui fera quitter la salle à certains spectateurs.


Le scénario de "The innocents" est joliment imprévisible, assez loin de ce qu'on voit d'habitude, même s'il peut être quand même rattaché au courant très commercial du cinéma de super héros et de super pouvoirs. L'intelligence de Vogt réside plutôt dans sa mise en scène qui dédramatise et dé-spectacularise les situations filmées, les noie dans une sorte d'atonalité paradoxale qui va, tour à tour, accentuer l'angoisse du spectateur et désamorcer son plaisir, puisque le film lui refuse systématiquement toutes les scènes qu'il attend. Ainsi le grand affrontement final entre les mutants constitue un antidote parfait aux niaiseries style "X-Men", ramenant le terrible conflit prévu littéralement aux dimensions d'une bagarre dans un bac à sable. Passant de plus totalement inaperçu aux yeux des adultes et de leur monde rationnel. Et ça, pour frustrant que ça puisse sembler, c'est drôlement malin !


[Critique écrite en 2022]

EricDebarnot
7
Écrit par

Créée

le 20 févr. 2022

Critique lue 700 fois

16 j'aime

4 commentaires

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 700 fois

16
4

D'autres avis sur The Innocents

The Innocents
RedArrow
9

Souffrance d'enfance

Wow, voilà un film qui n'a pas volé ses récompenses au dernier Festival de Gerardmer (Prix du public et celui de la critique) ! Alors, parler de ce deuxième long-métrage d'Eskil Vogt, scénariste...

le 9 févr. 2022

29 j'aime

5

The Innocents
Procol-Harum
7

Comme un Je d'enfant

Même s’il s’était essayé une première fois à la réalisation, avec Blind en 2014, Eskil Vogt s’est fait connaitre avant tout par son travail d’écriture, scénarisant les films de son compatriote...

le 13 févr. 2022

28 j'aime

3

The Innocents
renardquif
9

Critique de The Innocents par renardquif

-Et voici donc ma palme d'or 2021 ! Le film a été présenté dans "Un certain regard" (honte que ce ne soit pas en compétition officielle), mais c'est le premier cannes 2021 que j'aime bien, ceci dit...

le 1 janv. 2022

21 j'aime

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

204 j'aime

150

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

190 j'aime

103

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

184 j'aime

25