Après les vampires, les morts-vivants donc. Jim Jarmusch continue à revisiter genres et mythes populaires avec sa nonchalance habituelle, mais la magie ne prend plus, soudain elle manque, soudain il y a comme un grand vide. Mojo en berne et cool émoussé, Jarmusch s’est planté, trop confiant visiblement dans cette fameuse nonchalance dont il s’est dit qu’elle allait tout faire passer et tout excuser, le rythme apathique, l’intrigue mal fichue, l’embardée méta qui ne sert à rien (en plus d’être complètement ratée), des personnages gadgets (les hipsters, les jeunes internés) et les acteurs que l’on surprend à ne pas surprendre (Bill Murray surtout qui, en permanence, semble se demander ce qu’il fait là et quand tout ça va se terminer).


Comme George A. Romero en son temps, Jarmusch se sert de ses zombies pour fustiger une société contemporaine à la dérive (et l’Amérique de Trump évidemment), bassement consumériste, indolente et se souciant comme de l’an quarante des problématiques écologiques (ici une histoire de fracturation hydraulique et de Terre à la rotation désaxée). Davantage que de vouloir se repaître de chair humaine et de nous terrifier, les zombies de Jarmusch ont quelque chose de comique et de pathétique, reflétant nos propres et vaines existences, errant dans l’inconséquence du monde à la recherche d’une borne Wi-Fi, d’un verre de chardonnay ou d’une tasse de café, de friandises ou de Xanax.


C’est l’Apocalypse par l’absurde et sur fond de country, l’Apocalypse en forme de blague branchouille (Jarmusch, Cannes, casting oh là là, références et clins d’œil cinéphiliques jetés en vrac et en pâture…) qui ne fera sourire qu’à de rares occasions, entre deux piqués de tête et un filet de bave. Jarmusch, qui pourtant avait su s’approprier avec classe western, samouraï et suceurs de sang, peine dans The dead don’t die à rattacher son univers relax et poétique au folklore du mort-vivant. Pas assez d’inspiration, sans doute, ou d’honnêteté à comprendre que son scénario ne fonctionnait pas, qu’il était peut-être drôle, sympa et fun sur le papier, mais tellement peu convaincant à l’écran. "Ça va mal finir", ne cesse de répéter le personnage d’Adam Driver. Sauf qu’on se demande bien quand ça a pu commencer.


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le 15 mai 2019

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