The Dark Knight Rises par HarmonySly
Je suis colère. Pas contre le film, mais parce que j'avais prévu d'en parler longuement, dans une de ces diatribes de vieillard donc moi seul ai le secret. Non, je suis plutôt colère contre le barbu Yéti, qui m'a coiffé au poteau en allant voir le film avant moi et avançant ses arguments avant moi là aussi, me laissant avec bien peu de choses à raconter. Mais rendons à César ce qui est à César, et allons rendre une petite visite à sa critique pour savoir ce que je pense peu ou prou du film : http://goo.gl/ZIA5b (clique pas si t'aimes pas les spoilers, en même temps je ne te garantis pas qu'il n'y en aura pas un peu ici aussi).
Sur ce, parlons de moi. Ah bah ouais hein, j'ai plus grand-chose à dire sur le film maintenant. Le Cinéma, c'est un art, mais aussi un divertissement, et surtout une technique. Or en matière de technique, on a tous des domaines de prédilection. Dans un film, certains seront plus sensibles au scénario, d'autres aux effets spéciaux, d'autres encore à la musique ou aux plans de dingue avec lesquels s'amuse le réalisateur. Moi, j'en ai deux, le montage, et les personnages. Peu importe si un film a d'autre qualités intrinsèques à faire valoir, je verrai toujours ces deux composantes en priorité. Mince, suffit de jeter un oeil à mon top 10 pour s'en rendre compte.
Inception m'avait soufflé, grâce à ses personnages très charismatiques et tous utilisés à bon escient et son montage millimétré au poil de cul. Et ses plans de dingue. Et sa photographie. Et les compositions de Hans 'Vuvu-Zimmer'. Bref, que l'on n'aime ou pas la façon que le cinéaste a de prendre ses spectateurs pour des teubés, j'ai pris mon pied. Et bien, le dernier Batman, c'est l'inverse. Tout ce que j'aimais dans le cinéma de Nolan ces derniers temps semble y être absent, comme un vieux relent de film de commande pas vraiment assumé.
Commençons par le montage. Un vrai bordel. Des ellipses foireuses, aucune unité de temps. Bruce Wayne, tel un être omniscient, se déplaçant entre les espaces-temps. La nuit qui tombe toujours aux moments les plus pratiques. Un bombe dont le minuteur ralentit ou accélère selon les besoins du script (un grand classique à Hollywood). Des incohérences un peu partout (le coup des avions est plutôt fun, je l'avoue). Le film dure 2h45, et je ne me suis pas ennuyé à vrai dire, à aucun moment je n'ai trouvé le temps long, mais quand après 165 minutes on arrive encore à trouver des plot holes gros comme le poing, c'est peut-être que le cinéaste a voulu mettre trop de tout dans son film.
Ce qui m'amène au second point qui fâche : les personnages (là je spoile un peu beaucoup, un mal nécessaire). Ils sont tous plutôt réussis, portés par des interprétations solides, mais complètement desservis par des arcs narratifs bancals. L'exemple-type, c'est l'intrigue liée à Blake et Gordon. Deux acteurs parmi les plus brillants de leur génération respective, mis en tandem lors d'une simili-enquête au milieu du film ? Yes, please. Le pire, c'est que ces deux personnages sont tellement bons que sur le moment, on en a un peu rien à foutre de Batman. Oh mais mince, le héros du film ce n'est pas Batman ? Ah si tiens, dès qu'il revient on colle Gordon-Levitt à la protection civile, option garde-chiourmes. Et puis on laisse entendre que le petit rookie à la gouaille facile, c'est le futur Robin en devenir, avec des pistes dont la subtilité rivaliserait avec celle des messages publicitaires Hadopi.
La seconde grosse déception provient du personnage de Selina Kyle/Catwoman, qui n'a en fait aucun arc narratif personnel. C'est la greluche du film, avec ses remarques de greluche, son cul de greluche logé dans un superbe pantalon en cuir, ses dilemnes de greluche, et qui finit comme un greluche dans les bras de Bruce Wayne. Ouaiiiiiiis. Désolé Miss Hathaway, vous avez un talent d'actrice indéniable, mais Monsieur Nolan préfère le gâcher en vous transformant en vulgaire sidekick (Batgirl, anyone?). Je vais finir par transformer ça en croisade personnelle, mais engager une superbe actrice, qui fait le taf avec une grande classe tout en prenant soin de bien se différencier de ses respectables aînées, et finir par l'utiliser comme un simple bouche-trou narratif ? Non, non, non et non. J'appelle ça un énorme gâchis moi.
Reste Bane, méchant ultra-convaincant, extrêmement menaçant, Tom Hardy impérial même derrière son masque et son auto-tune du pauvre. Le premier combat qu'il effectuera contre Batman (si l'on peut appeler ça un combat) est une franche réussite. Par la suite, il prouvera qu'il peut être à la fois très méchant et très malin avec un plan un peu débile mais aux rouages parfaitement huilés. Un Joker en puissance, avec des gigots à la place des bras. Dommage finalement qu'il se fasse friendzoner et reléguer au second plan dans la séquence finale. Le Joker habitait TDK, il incarnait à la fois la figure du méchant à qui casser la gueule, et un instrument du chaos qui agissait par amusement pur et remettait en cause tous les questionnements fondamentaux du héros. Bane, à force d'entendre à longueur de film qu'il ne s'agit que d'un mercenaire, finit effectivement comme un vulgaire mercenaire, loin de l'écrasante menace qu'il incarnait en première partie, et ce lors d'un twist pas très finaud, pas très utile, et pas très bien amené pour couronner le tout.
Trois personnages, trois immenses gâchis, flottant autour d'un héros revenu à la case départ et d'une "méchante" au plan bien trop rapidement éventé pour être crédible. Voilà ce que je retiens de TDKR. The Dark Knight avait tout du magnifique accident de parcours à ce titre : polar superbement maîtrisé, à l'ambiance et aux thématiques parfaitement distillées, le film se permettait peut-être plus de libertés avec la mythologie du caped crusader, mais n'en restait pas moins un excellent objet de divertissement.
Même s'il reste un film très plaisant à regarder et dans lequel on s'ennuie rarement, The Dark Knight Rises pêche donc sur deux points importants : sur le plan formel, c'est loin d'être la meilleure oeuvre de Nolan (photo quelconque, voire affreuse, montage bizarre, Hans Zimmer et son Skrillex de supermarché...), ce qui bien évidemment ne fait que mettre en exergue ses nombreux tics de cinéma les plus désagréables ; sur le fond, c'est-à-dire par rapport à la qualité de l'adaptation en elle-même, on sent vraiment remonter quelques relents de Batman Begins dans cet épisode (par le biais de la Ligue des Ombres, évidemment, mais pas que), ce qui donne vraiment l'impression d'un coup dans l'eau, malgré un dénouement globalement convaincant. Un final bizarre et schizophrène, pour une trilogie qui l'est tout autant.