Batman est sans conteste mon super-héros favori depuis l’enfance, tout d’abord bercé par la série animée diffusée sur FR3 dans les années 90 puis embarqué par les deux films de Burton, sans compter la multitude de figurines et accessoires qui faisaient mon bonheur, ce cher Christopher Nolan s’est donc mis dans l’idée de vouloir réinterpréter le mythe à sa sauce au milieu des années 2000 avec en premier lieu un "Batman Begins" posant les bases de cette refonte du chevalier noir, puis il remet ça en 2008 avec "The Dark Knight" proposant une évolution du personnage et l’introduction du méchant le plus charismatique de DC, le Joker.


Autant le dire tout de suite ce film est bon, il est efficace, il est rythmé, il est bien foutu, il contient des scènes marquantes, mais un truc me dérange, où est le mythe de Batman ? Batman c’est un univers, Batman c’est le chevalier tapis dans l’ombre d’un Gotham orageux et gangrené, seulement dans cette saga Nolan choisit la carte de la transposition semi-réaliste, il veut rendre l’histoire cohérente et ancrée dans son temps. Le société américaine porte encore les stigmates du 11 septembre et le réalisateur l’a bien compris, jouer avec la peur du terrorisme est un choix qui ne manque pas de culot, et quoi de mieux que de transformer ce méchant clown qu'est le Joker en agent du chaos. Nolan fait de Batman un héros américain qui ne veut lui même pas de ce titre, laissant de manière démagogue les mérites au talentueux procureur Harvey Dent qui fait de la justice impartiale son fer de lance du renouveau de Gotham, mais le Joker va également le faire basculer du côté obscur en détruisant sa bonté et déréglant la balance de sa conscience morale, Batman est seul et va devoir retrousser ses manches en latex et oublier ses envies de retraite anticipée.


Le film tourne autour de cette dualité des personnages, Wayne ne veut plus être le Batman, son costume est devenu trop lourd pour lui, Dent se résout à croire en la droiture de la vie et fini par confier son destin au hasard et devenir Double Face, le Joker cherche constamment le meilleur moyen d’assouvir son rêve le plus cher : détruire Gotham par le feu et à côté refuse de suivre les règles du grand banditisme, il est lui aussi seul dans sa propre folie. Ces développements sont donc en tout point intéressants, "The Dark Knight" utilise les ficelles du thriller, pour moi ça n’est pas un film de super-héros, Batman n’a pas de véritable dimension héroïque, c’est un personnage qui porte un costume avec des gadgets et qui parle avec une grosse voix, et non un héros malin, puissant, silencieux, il manque clairement de sacralisation, ce n’est pas ce justicier là que j’aime, il ne m’attire pas, ne me fait pas rêver, et du coup la magie est absente. Comme ce Gotham City qui n’a juste aucun charme, cette ville est censée être la cité de tous les vices, un égout géant aux bouches fumantes et aux flaques d’eau grouillantes, en fait dans cette version ça pourrait très bien être Manhattan on ne verrait pas la différence et ça dessert encore et toujours grandement ce fameux mythe de Batman.


Niveau technique la réalisation est extrêmement soignée, Nolan sait quoi faire de sa caméra, il maitrise avec brio les séquences d’action ou ces travellings au dessus de la ville, c’est certes un peu trop lisse pour ce genre d’univers graphique mais c’est propre et sans grands défauts. Après pour ce qui est de la mise en scène je serais beaucoup plus critique envers le réalisateur, qui se contente clairement du minimum syndical, il ne cherche pas à transcender ses acteurs, juste le regretté Heath Ledger qui a fait un boulot énorme d’acteur studio pour interpréter à fond son rôle de Joker, il est brillant, mais tout les autres ne m’ont pas autant convaincu et c’est bien dommage, après est ce un soucis d’écriture ? Possible. Certaines scènes de dialogues m’ont irrité à cause de l’omniprésence de la bande son de Zimmer, le thème musical est bon mais diverses partitions n’étaient pas nécessaires, ça affaiblie l’ambiance et les interprétations, par exemple à un moment il y a une joute entre Dent et Gordon qui n’avait nulle besoin d’artifice sonore, quand on en abuse c’est la preuve de lacunes d'un metteur en scène.


La dernière demie heure est certainement la meilleure du film car toute la tension explose et le récit devient (enfin) réellement captivant, cette séquence du bateau est très bonne en terme de suspense et les méchants remplissent parfaitement leur rôle machiavélique, on se rends vraiment compte que c’est bien le Joker LE personnage du film, Ledger bouffe complètement Bale qui lui n’a ni le charisme d’un Bruce Wayne ni la carrure d’un Batman, il s’en sort mais ne fait pas d’efforts pour magnifier son rôle, et ça n’allait pas être Nolan qui allait l’aider, à noter aussi un très bon Gary Oldman qui reste sans conteste le deuxième meilleur acteur du film. Le final est assez réussi donc et permet de créer une véritable attente pour le prochain volet qui arrivera quatre ans plus tard (et qui sera pour le coup complètement raté à mon sens).


"The Dark Knight" est donc un bon thriller à la technique imparable et qui est tenu à bout de bras par un Joker brillant, mais qui dispose de multitude de petits défauts de mise en scène qui parasitent l’entreprise de Nolan à vouloir recréer un Batman aux teintes réalistes, je lui reproche surtout de manquer d’âme et de démystifier un héros légendaire dans univers graphique rendu totalement aseptisé. Non ce Batman là n’est pas ma came, mais il reste un long métrage efficace.

JimBo Lebowski

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