From the shadow to the light

Ce film, je l’attendais énormément. Il faut dire que l’apparition du plus grand des super-héros dans les salles obscures est un vrai évènement : ça faisait 10 ans qu’on n’avait pas vu Batman en tête d’affiche. Alors oui, il y a eu Batman v Superman et Justice League, mais ce sont des films différents, qui ne sont pas centrés sur Batman et qui s’inscrivent dans un univers plus large.

Le néophyte pourrait se dire : encore un film Batman ? Qu’est-ce qu’il pourra apporter ? Eh bien ce film prouve qu’on peut encore proposer quelque chose de totalement nouveau. Et quand je parle de nouveauté, je veux dire par rapport aux films précédents, parce que ce Batman puise allègrement son inspiration dans l’univers auquel il appartient (comics, jeux vidéos notamment). Déjà, rien que le début du film est une référence à Batman : Un long Halloween, et d’ailleurs le récit y ressemble.

Nous ne sommes pas ici avec un Batman effacé dans un univers gothique déjanté, à la Tim Burton. Nous ne sommes pas non plus dans un Batman ultra-réaliste et spectaculaire, à la Christopher Nolan. Non, ici nous sommes avant tout dans un thriller, et Batman est un détective.

Et le résultat s’avère largement à la hauteur. The Batman met à l’amende toute la production marvellienne de ses 15 dernières années. Que ce soit par la réalisation, les acteurs, le scénario, la musique, tout est maîtrisé.

Matt Reeves a fait du très bon boulot : le film est visuellement impeccable, soigné. Il y a beaucoup de belles scènes, même si, il est vrai, rien de vraiment spectaculaire. Le film est posé, il prend vraiment le temps de mettre en place une ambiance, de s’intéresser aux enjeux, aux personnages. Bref, ça fait du bien de ne pas voir un énième film énervé, où les plans s’enchaînent sans arrêt.

C’était attendu, le réalisateur a donné une touche très sombre à son film. Visuellement parlant, d’abord, parce que le film se déroule principalement dans des endroits sombres ou bien la nuit. Et même quand il fait jour, c’est essentiellement gris, voir pluvieux. Néanmoins, ça change un peu sur la fin, parce que Batman prend conscience qu’il n’est plus la Vengeance, mais un super-héros qui sauve des vies. Il passe ainsi de l’ombre vers la lumière.

Ce Batman-là sur grand écran est totalement inédit. Incarné par l’excellent Robert Pattinson, il est un personnage froid, glacial, qui paraît détaché de ce qui l’entoure, des gens et de leurs émotions. Un personnage qu’on a dit torturé, qui est hanté par son passé et qui ne s’aime pas. La preuve, c'est que Bruce Wayne est très peu présent et se cache derrière son masque. Il admet lui-même qu’il se désintéresse des affaires léguées par son père.

Quant à l’acteur… comment dire, c’est à chaque fois la même rengaine : par le passé, il y a toujours eu des crétins pour critiquer le casting de Christian Bale ou de Ben Affleck en Batman, le choix d’Heath Ledger pour incarner le Joker. Et ce fut pareil pour Robert Pattinson. Pour ma part, je ne suis pas un crétin, donc je ne juge pas avant d’avoir vu, et je laisse une chance aux acteurs. Robert Pattinson est vraiment bon, totalement impliqué dans son rôle. Surtout, il est très présent à l’écran, ce film s’intéresse énormément à son personnage, on est à l’opposé des films de Tim Burton où Batman est presque un personnage secondaire. Il s’agissait d’un rôle difficile, et l’acteur s’en tire avec brio.

Pour le reste du casting, c’est aussi un sans-faute. Certains ont pu découvrir Zoë Kravitz : je l’ai découverte il y a 4 ans dans Les Animaux fantastiques 2, film décevant mais où l’actrice faisait une très belle prestation dans un second rôle. Elle incarne la meilleure Selina Kyle qu’on ait pu voir sur grand écran. Michelle Pfeiffer et Anne Hathaway ont fait de bonnes Catwoman, mais la première était un peu trop perchée, et la deuxième trop anecdotique. Zoë Kravitz joue une Selina Kyle qui non seulement est magnifique, mais aussi très crédible, avec de vrais enjeux, de vraies motivations. Bref, un véritable personnage qui s’avère en outre être une alliée inestimable pour Batman. Parce qu’on peut le dire : sans elle, soit il échouait, soit il mourrait. J’ai aussi beaucoup aimé leur relation, qui ne tombe pas dans la caricature comme on peut le voir dans certains comics ou certains jeux.

Paul Dano incarne un excellent antagoniste, sans doute le meilleur après le Joker de 2008.

Le Riddler a lui aussi de vraies motivations, qui font que même s’il n’a rien d’attachant, on ne peut que le comprendre. La scène à l’asile d'Arkham est géniale !

Les autres acteurs s’en tirent aussi très bien : Colin Farell (le Pingouin) ne parvient pas à faire oublier l’excellente prestation de Danny DeVito, mais l’acteur est méconnaissable et totalement investi dans un rôle taillé sur mesure. J’ai tout de suite aimé Jeffrey Wright dans son rôle de Jim Gordon, seul allié de Batman au sein de la police de Gotham. Andy Serkis est aussi très bon, bien que peu présent. Enfin, John Turturro montre qu’il est calibré pour tous les rôles.

Je ne vais pas trop revenir sur le scénario, mais il est assurément l’un des autres points forts du film. L’histoire, très dense, m’a fait penser aux jeux Telltale Batman…

The Batman est donc un film d’enquête, un véritable thriller qui prend à contre-pied quasiment tous les films de super-héros. Anti-spectaculaire, il parvient tout de même à iconiser Batman.
Néanmoins, il y a quand même de très belles scènes d’action : les différents combats ou la course-poursuite sont efficaces.

Le film est très riche et gagne à être revu : il y a beaucoup de symboles, d’idées de mise en scène, de références, etc. Pour revenir sur deux scènes que j’ai bien aimé : la première se passe au début, quand on voit Bruce Wayne pour la première fois dans son manoir (magnifique d’ailleurs). Un rayon de soleil passe par la fenêtre et l’aveugle, comme s’il ne supportait pas la lumière du soleil. Cette petite trouvaille est très riche de sens. La deuxième, c’est quand Batman sauve des civils à la fin : moment très touchant, où le personnage devient véritablement Batman. Parce qu’un super-héros c’est pas quelqu’un qui tape sur des méchants, c’est d’abord quelqu’un qui sauve des vies.

Beaucoup de bonnes choses dans ce film donc, mais si je ne vais pas au-delà du 8, c’est qu’on est tout de même pas dans un chef-d’œuvre. Je voudrais souligner quelques défauts.
D’abord, le film aurait gagné à être un peu plus court. Il y a quelques longueurs, je pense que ça pouvait tenir en moins longtemps. Ensuite, Batman est peut être un peu trop invulnérable aux balles, en particulier à la fin…

Enfin, pour revenir sur l’une des dernières scènes…