Dans une tentaculaire Gotham pluvieuse et nocturne, un quidam masqué, Riddler (Paul Dano) - flanqué d’un point d’interrogation en guise d'étendard - sème le chaos dans les rangs de l’élite médiatique. Ce personnage cagoulé de cuir façon S.M. ne veut qu’une seule chose, faire éclater la vérité sur la corruption qui gangrène la cité. Après l’assassinat du Maire Mitchell, Gotham sombre dans le chaos. C’est alors qu’apparaît dans le ciel, l’emblème ailé de celui que l’on surnomme “Vengeance”. Il ne faudra que quelques minutes à Matt Reeves pour emprisonner le spectateur dans son univers ultra-sombre faisant écho à “The Joker” de Todd Phillips. De là à dire que “The Batman” serait la véritable suite aux pérégrinations d’Arthur Fleck (Joaquin Phoenix), il n’y a qu’un pas ! Tout porte à le croire en tout cas, à commencer par les émules du clown torturé - grimés comme lui, lors de la nuit d’Halloween - envahissant une rame de métro avant de s’en prendre à un innocent passager. Dès lors, la première confrontation de Batman (Robert Pattinson) sera contre les disciples de Fleck. Quant au personnage de Riddler, celui-ci porte au plus profond de son être, les mêmes stigmates que le Joker. Cet enfant orphelin, élevé dans les méandres de l’institution Arkham, n’est rien d'autre qu’un monstre de Frankenstein abandonné par ses créateurs. Ce sacrifié sur l’autel du profit, de la gentrification et des inégalités sociales, prépare sa revanche depuis des années, et son parcours sanglant, croisera un Batman désavoué et désabusé, marqué lui aussi, par des décennies de lutte. Le Crime a de beaux jours devant lui, d’autant que dans sa quête de justice, Batman ne peut compter que sur le détective James Gordon (Jeffrey Wright)... Il est difficile aujourd'hui d'avoir encore quelque chose à raconter sur Batman. Pour Matt Reeves, pas de problème, il suffit de transformer un long-métrage à la facture “super-héroïque” plus que formelle - tant l’univers DC Comics a été pressuré au cinéma - en un surprenant thriller urbain aux connections infinies, dans lequel la mafia et la politique font collusion, alors qu'un tueur en série en décime les rangs. Parcouru par une insondable noirceur, aussi bien au niveau des décors que de la photographie, il s’agit bel et bien de la noirceur de l’âme humaine et son côté obscur que la caméra de Matt Reeves capte tout au long de ce monumental canevas dramatique de près de trois heures. La déception doit être immense pour les aficionados du patriotisme et du manichéisme exacerbé dont les studios Marvel (Disney) ou DC (Warner) ont su nous abreuver depuis des lustres. Cette relecture originale, gothique et désespérée voit ses personnages emblématiques démystifiés comme rarement. Catwoman (Chloé Kravitz), le Pingouin (Colin Farrell, méconnaissable) et Alfred (Andy Serkis, balafré et boiteux), font partie d’un grand tout bien moins fantasmé qu’à l’accoutumé. Le “Chevalier Noir”, pour sa part - dont Robert Pattinson prête ses traits d’écorché vif - tombe l’armure et derrière son masque, le justicier ne peut cacher un regard meurtri, celui d’un homme qui doute, d’un homme qui voudrait comprendre son passé pour mieux améliorer l’avenir de Gotham. Jamais super-héros n’aura paru aussi humain !

RAF43
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le 8 juil. 2022

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