The Batman par limma

Curieusement c'est avec plaisir que l'on suit cette aventure dépressive, malgré tous ses défauts, ses fautes de goûts et ses appuis verbaux ou humanistes. Un opus qui marque un tournant dans le personnage de The Batman qui se dote d'un aspect plus réaliste sans user de tous les trucs et astuces, s'éloignant des précédentes représentations du chevalier noir, tenu par Keaton ou Bale et l'absence bienvenue, de légèreté à la lutte contre le mal et du glamour de l'homme milliardaire usant de sa garde robe. Et comme un clin d'œil au Joker avec ses thèmes sociétaux, trop nombreux, on retrouve un personnage dépassé par la cruauté des hommes. Un Batman en petite forme qui nous rappellerait que le deuil est un long chemin. Le métrage s'éloigne alors de ce que l'on pouvait attendre, s'attachant au polar plutôt qu'au film de super Héros. Une nouveauté qui convoque son thème en lui apportant une identité propre et un dépoussiérage bien appréciable.

L'esthétique du film est une réussite, on se régale de l'ambiance sombre à souhait, pluvieuse et floutée et des longs moments de pose répondant parfaitement au trauma de notre homme naviguant à vue. Des scènes d'actions rares, efficaces par leur brutalité, aux choix musicaux qui participent à l'immersion. La scène de fusillade dans l'obscurité pour une totale maîtrise de notre homme chauve souris, impressionnant de stature désinvolte, on en rêverait, la course poursuite sur l'autoroute pour un grand moment d'action, décomplexée, un tantinet provocatrice. Pattison marque l'écran, tout en regard et mélancolie. Coup de cœur pour cet acteur qui aura su se défaire de ses débuts par ses choix parfois étonnants, même si ici, on craint , comme à chaque sortie d'une adaptation, les nouveaux venus avec plus ou moins de réussite, et qui répondent à un certain engouement d'une époque. Avec aujourd'hui Farrel, Kravitz, Wright et Dano, qui prennent la main. Premier bémol, si ce n'est un hommage aux précédents opus, Serkis en Pennyworth n'aura que peu de place, tout en répondant à son statut. Farrel dans le rôle du Pingouin interroge sur sa légitimité, si ce n'est de l'introduire pour une suite à venir. On lui trouverait même un air de De Niro mal grimé. Dano en ersatz de tous les malades mentaux brossés au fil des mauvais thrillers allant crescendo sur le dernier tiers dans l'aigu, et de son monologue à se prétendre plus orphelin que les orphelins, nous fatigue. L'acteur n'a jamais été aussi mauvais. Kravitz pour Catwoman sait se défendre seule, mais attendra l'aval de Batman, avant de faire quoique ce soit. Sa souplesse de félin restera dans le fantasme, tout en nous gratifiant d'une démarche de mannequin, vêtement à l'appui pour bien nous rappeler à nous, spectateurs, de sa légitimité féminine et devra évidemment être sauvée par son Batman. Et Turturro pour le fun. Mais revenir au binôme d'enquêteurs avec J.Gordon, nous rendra nostalgiques.
Les scènes répétitives ne sont pas non plus du meilleur effet. Une inondation finale qui n'en est finalement pas une et dont on se serait bien passé pour le côté sauvetage en règle. Les révélations familiales successives visant à emprunter nombre de chemins de traverse à légitimer ces trois heures de film. Et on pense, c'est bien dommage, à Zodiac pour les petits mots de l'homme mystère, ou même Saw dans les scènes de torture abusives, alors que l'humour pesant, marque de fabrique des Blockbusters nous aura été évité, même si l'on rira volontiers avec une pointe de perplexité, de l'utilisation de son parachute à mauvais escient.
Dénonciation alors avérée d'une société malade, du poids des réseaux sociaux, du terrorisme et bien sûr de la corruption. Matt Reeves aura gagné en tout cas, en maturité. Reste à peaufiner la suite.