Je me rappelle encore quand ont commencé à pleuvoir les annonces sur ce nouveau film Batman, énième redite des aventure de la chauve-souris pas très sympa du quartier, semblant s'incorporer dans le même univers du film Joker.


La grande réussite critique de ce dernier n'est pas anodine derrière le ton que semble donner ce futur opus centré sur les débuts de Batman : un ton sombre, poisseux, un propos politique assumé... Une enquête sur des meurtres violents menés par un étrange personnage dont on reconnaît vite le modus operanti, un commissaire Gordon acculé et désespéré... Bref, de quoi donner envie.


S'ajoute à ça que Matt Reeves est derrière la caméra, en qui j'accorde une totale confiance depuis sa réussite inespérée sur la franchise Planètes des Singes, avec un deuxième et troisième opus maîtrisé de bout en bout.


Mais le Covid traîne lui aussi dans les rues de Gotham. Alors le projet traîne avant d'enfin sortir, la hype s'essouffle, Warner ajoute de nouvelle bandes annonces pour garder allumée la flamme de l'envie chez les futurs spectateurs... Puis arrive enfin le jour béni pour découvrir ce qui, pour moi, devait être une réussite, sans forcément parler de bijou cinématographique.


Mais la déception est pourtant là. Une déception qui aura mijotée pendant presque trois longues heures, partagé entre ennui et consternation.


La dissection de cet échec commence par son introduction qui donne très vite le ton sur le problème majeur du film : son étirement forcé. Chaque plan, chaque action s'étirent dans une longue contemplation vaine et poussive qui, bien qu'elle cherche à mettre en avant la mise en scène impeccable (bien que trop sombre), montre surtout une volonté de donner une lenteur inutile au métrage. 2h50 qui auraient aisément pu être réduites, d'autant plus que cela participe à accentuer l'aspect "enquête" de ce Batman, qui cherche avant tout à renouer avec les grand classiques du polar.


Ça lorgne donc sur Seven, avec des énigmes bien moins inspirées, mais aussi étonnement sur Saw, avec des mises à mort violentes et mécaniques, dont les enjeux sont similaires : punir les pécheurs. Face à Batman et ces cadavres qui s'accumulent, un homme énigme menant la danse tout du long, au point que le justicier subira l'enquête en permanence, sans jamais se permettre d'en chambouler le tempo donné par le Riddler.


Et pourtant, même si la menace qui pèse sur Gotham est réelle, ce nouveau Batman incarné par Robert Pattinson n'en a cure. Toujours blasé et insensible, à deux doigts d'enfiler son casque pour se réécouter les tops hits de Nirvana en restant prostré dans son lit, l'acteur pourtant débordant de charisme dans plusieurs rôles cultes (The LightHouse, The Lost City Of Z, Good Time..) s'affuble ici de sa plus belle gueule d'enterrement, contribuant à rendre le personnage antipathique.


Paul Dano, dans la peau de Riddler, n'est pas en reste puisqu'en plus de porter un sac à patate sur la tête avec un regard de psychopathe sur des lives TikTok, il usera surtout de borborygme et de respiration saturée pour communiquer sa haine envers un système corrompu. Un surjeu étonnant, qui m'aura davantage fait rire que convaincu.


Les dialogues n'aident d'ailleurs pas le casting, nous offrant des échanges souvent pauvres, tournant en rond, avec des propos déjà vu et revu sans réelle substance. Et que dire de ce "I am Vengeance" et autres joyeusetés nous montrant ainsi toute la profondeur de ce Batman torturé "too dark and deep"? Un Batman qui s'amourache gratuitement et sans explication d'une Catwoman mal développée, d'ailleurs.


Le propos politique est, quant à lui, trop superficiel pour être traité dans son ensemble, se résumant à une corruption globale de Gotham qu'on avait déjà vu venir dès le début. Enigma, bien qu'intéressant dans la dimension horrifique et thriller qu'il amène à cet opus, peine à convaincre à cause d'un surjeu constant et ridicule, couplé à des énigmes assez décevantes de la part d'un tel personnage.


C'est avec une certaine amertume que je crache ma bile sur ce que je pensais être un de mes coup de cœur de l'année, et croyez moi que j'aurai voulu l'apprécier à sa juste valeur. J'aurai voulu croire en Matt Reeves et Pattinson, en l'esthétique gothique et crasseuse et en l'ambiance polar.


Mais j'ai surtout vu les trop plein de ce film. Le trop plein esthétique, qui finit par donner un film tellement sombre qu'il en est illisible. Le trop plein scénaristique, qui donne lieu à un propos mal développé. Mais surtout le trop plein de violence, cherchant à tout prix à sacraliser Gotham comme l'enfer sur Terre où il pleut en permanence, au point d'en oublier ses personnages et ses intentions.

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le 8 avr. 2022

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