Le Noir lui va (toujours) bien

Dix ans. Et oui. Mine de rien, cela faisait dix ans que le chevalier noir n'avait pas eu sa propre aventure hors Justice League et autres Batman vs Superman, n'ayant pas laissé de grands souvenirs aux spectateurs. Il y avait cette inquiétude légitime autour de Robert Pattinson, mais le nom de Matt Reeves derrière la caméra puis une très séduisante bande-annonce plus tard, il y avait de quoi être presque complètement rassuré. Et sans atteindre l'immensité du deuxième volet de la trilogie signée Christopher Nolan, cette nouvelle aventure a de l'allure.

On sent d'emblée qu'un vrai réalisateur est aux commandes, où l'on sent une vraie volonté de cinéma et, surtout, de renouveler un genre à bout de souffle dans la formule comme esthétiquement, la volonté de se distinguer des interchangeables productions Marvel étant évidente. Peut-on d'ailleurs vraiment parler de films de super-héros ? Quelques gadgets, certes, des figures et des éléments familiers, mais sinon, nous sommes bien plus dans un thriller dans la grande lignée des grands Films Noirs (« Seven » en tête).

Plus de « fun » ou presque, quasiment aucun humour : nous revoici dans une logique très sombre voire crépusculaire, où l'action se déroule souvent de nuit, où les méchants ressemblent régulièrement à des gangsters et où l'on se fait peu d'illusions quant à l'idée que le crime ne sévira un jour plus à Gotham City. Proposant un justicier parfois légèrement réactionnaire dans sa vision de la société, Reeves brouille les pistes sans se départir d'une certaine humanité envers presque chaque protagoniste, prenant le soin d'expliquer les agissements des uns et des autres, les ancrant dans un décor urbain presque réaliste, exploité avec force et talent.

Parfois spectaculaire mais jamais trop, on peut toutefois s'étonner de quelques points moins convaincants : passe encore l'omniprésence de Batman au détriment de Bruce Wayne : le scénario est suffisamment bien construit pour justifier ce choix. Il l'est un peu moins lorsqu'il s'agit de suivre cette enquête remuant les tréfonds de la ville dévoilant une corruption généralisée, manquant parfois de fluidité dans sa façon de remonter aux uns et aux autres (notamment sur la fin). Autre frustration :

Alors que celle-ci est censée être l'un des temps forts de l'œuvre, les choix de mise en scène, notamment ces plans souvent très resserrés au détriment des larges, ne lui donnant pas toute l'ampleur qu'elle aurait dû avoir. L'aspect tout public pose également problème de temps à autre : de la violence, certes, mais pas trop de brutalité et surtout jamais de sang, aseptisant un peu le propos. Il y avait sans doute aussi de quoi faire un peu plus de cette relation Batman-Catwoman, mais elle se tient pas mal, apportant un éclairage différent des précédentes.

Reste que cette volonté manifeste de revenir aux sources des comics originaux, s'appuyant sur une remarquable direction artistique, un casting solidement homogène (peu de très grands noms mais uniquement des valeurs sûres) et, selon votre serviteur, le réalisateur qu'il fallait pour redonner ses lettres de noblesse au célèbre justicier. Et si passer derrière Christopher Nolan était sans doute trop haut pour atteindre un nouveau sommet, ce nouveau cycle a peut susciter de beaux espoirs pour la suite.