Tesla est un biopic, non pas centré sur l’inventeur d’une voiture de luxe, mais sur Nikola Tesla, physicien américain d’origine serbe qui inventa à la fin du XIXe siècle le courant alternatif, et expérimenta différentes applications dans les premières années du XXe.


Réalisé par Michael Almereyda, réalisateur lambda peu identifié du public dont les films les plus connus sont une adaptation d’Hamlet aux débuts des années 2000, et Experimenter en 2016, biopic sur le professeur de psychologie Stanley Milgram et ses expérimentations à l’université de Yale au début des années 1960 ; Tesla est un objet fort étrange, un OFNI qui mêle l’expérimental au récit.


Tourné en 2018, passé par le festival de Sundance début 2020, le film a été présenté plusieurs années consécutives au Marché du film de Cannes, sans jamais rencontrer d’acquéreur, que ce soit des distributeurs en vue d’une sortie cinéma, ou bien d’acheteurs pour une quelconque plateforme. Mauvais signe me direz-vous, malgré une affiche intrigante : on pense immédiatement à Winding Refn et à son génial The Neon Demon. Tesla nous arrive donc par la petite porte, celle de la sortie direct VoD & DVD.


Tesla, c’est avant tout un long métrage qui aurait pu être un grand film.
Il faut avouer que celui-ci fourmille d’idées formelles inventives et surprenantes, brisant en permanence le 4e mur, à l’image de cette première scène de confrontation entre Edison et Tesla au début du film où les deux hommes écrasent la glace qu’ils sont en train de manger sur le costume du concurrent, avant que la voix off n'indique que la rencontre ne s’est pas vraiment passée ainsi et que la narration rembobine pour rejouer la scène depuis le début.
Un procédé de « réalité parallèle » intelligent et repris un peu plus tard dans le film. Ce concept de mise-en-scène est sympathique, mais utilisé de manière un peu vaine ici – pour moi, c’est sans comparaison avec le récent Felicità, du réalisateur Bruno Merle, qui utilise à la perfection ce même procédé dans les scènes de l’astronaute incarné par Orelsan.


Autre trouvaille de mise en scène que j’ai trouvé plaisante, l’utilisation d’anachronismes tout au long du film, que ce soit à travers la musique, moderne lors de la rencontre entre Tesla et Sarah Bernhardt ; ou bien lorsque l'on découvre la narratrice du film ouvrant un macbook pour y faire des recherches internet (on apprend ainsi que Tesla compte deux-fois moins de résultats Google que son rival Edison).
Dernier procédé que j’ai trouvé amusant, l’utilisation répétée de fonds de décors constitués de photos d’archives ou bien de toiles peintes, à l’image des vieux westerns un peu fauchés. A nouveau, ces choix de mise-en-scène surprennent dans un biopic sur un inventeur du XXe siècle.


Cependant, ces idées de scénographies, de montage et plus largement de réalisation ont tendance à rendre le récit totalement décousu et difficile à suivre. Le pitch du film est simple : à une époque où tous les inventeurs d’Amérique et d’Europe jouent à une course aux brevets scientifiques, la rivalité entre Thomas Edison, fin commercial et partisan du courant continu, et Nikola Tesla qui voit dans le courant alternatif l’avenir de l’énergie, est à son comble. Les deux hommes mènent l’un contre l’autre une guerre d’inventions terrible, qui ne laissent que peu de place aux femmes du film, Anne Morgan (interprétée par Eve Hewson) et Sarah Bernhardt (Rebecca Dayan).
Le film s’appesantit également - sans finesse - sur les premières utilisations du courant de Tesla (notamment la première exécution sur chaise électrique) et ses travaux de recherches où le scientifique tente d’envoyer un signal électrique à un récepteur situé à plusieurs dizaines de kilomètres.
J’ai en outre trouvé le moment où Nikola Tesla croit recevoir un signal venu de Mars, qui aurait pu être une petite pique comique réjouissante, particulièrement mal utilisé.


Côté acting, Ethan Hawke dans la peau de Nikola Tesla est convaincant, bien que je ne trouve pas que sa prestation soit à la hauteur de ses plus grands rôles (la trilogie Before Sunrise, Bienvenue à Gattaca pour ne citer qu’eux). Le parti pris de la photographie du film – toujours très sombre – ne permet pas de le mettre à son avantage.


Tesla est donc un film bien étrange, dont on saluera les choix esthétiques et de mise-en-scène, mais dont on regrettera que ceux-ci aient été faits au détriment d’une fluidité de narration et d’un scénario correctement ficelé. On en garde un coût d’inachevé, voire d’ennui.
C'eût pu être réussi, dommage.

D-Styx
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le 25 févr. 2021

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D. Styx

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