Le Clown Blanc c'est Salissant

On connaît tous cet adage qui dit que plus un méchant est réussi et plus le film dans lequel il officie le sera également . En tout cas cette maxime convient parfaitement au film Terrifier de Damien Leone qui embarque avec le personnage de Art le Clown un pur boogeyman digne de rentrer directement au panthéon des figures emblématiques et cauchemardesque du genre. Et si le film est loin d'être parfait, son personnage de clown sadique et maléfique balayerait presque toute les réticences d'un violent revers de manche.

Terrifier c'est donc l'histoire d'une soirée d'Halloween qui vire au cauchemar lorsque un mystérieux clown aux allures de Pierrot bien plus démoniaque que lunaire s'attaque à deux jeunes femmes et toutes celles et ceux qui auront le malheur de graviter autour.

Attention, Terrifier est un pur film d'horreur qui malgré la figure forcément grotesque de son personnage ne se cache jamais derrière le second degré pour adoucir la violence inhérente à son propos, quand bien même ses outrances prêtent parfois à sourire. Et si le film ne raconte finalement pas grand chose, il trace tout droit et tranche vif dans un registre qui navigue entre le slasher énervé et le grand guignol. Le film est gore, brutal est extrêmement violent dans sa représentation graphique des sévices, blessures, souffrance et différentes mises à mort. Et si Art n'oublie jamais qu'il est un clown accompagnant souvent ses terribles exactions d'une sinistre pantomime comique, il est clair que ses poses, grimaces, sourires et réaction prêteront très rarement à sourire mais renforceront plutôt la cruauté maladive de ses actes. C'est le comédien David Howard Thornton qui se glisse dans le costume de Art Le Clown et donne vie à cet extraordinairement détestable personnage. On sent que son expérience dans l'art du mime lui sert énormément à donner corps et vie à un personnage totalement muet mais terriblement expressif dans sa folie et sa cruauté. Sorte de joker démoniaque, ce clown avec son formidable look en noir et blanc et sa violence assez hallucinante s'impose immédiatement et graphiquement à l'écran. Aucun background psychologique, aucune justification à la barbarie de ses actes, aucune expressions autres que sa gestuelle physique , Art Le Clown cultive le mystère des ses origines pour n'être à l'écran qu'une figure effrayante et monstrueusement charismatique. Et même lorsque Art se travesti avec la peau et les cheveux d'un malheureuse victime pour ensuite se trimballer à poil en tortillant du fion, c'est un profond sentiment de malaise malsain qui s'installe devant une scène qui avait portant tout pour sombrer dans le ridicule le plus complet. Cette scène renvoie d'ailleurs un peu à Leatherface se recouvrant le visage de la peau de ses victimes. Le film me semble truffé ainsi de nombreuses références du même acabit comme la scène d'ouverture montrant art préparant ses armes qui renvoie à Freddy préparant ses griffes dans Nightmare On Elm street, Art et son petit vélo fera beaucoup penser à Jigsaw et les chaînes munies de crochets et lames avec lesquelles Art mutile sa victime font penser à celles de Hellraiser. Pourtant Art n'est pas qu'un vague ersatz de figures existantes tant il possède sa propre personnalité, gestuelle et une cruauté assez peu commune. Alors bien sûr Terrifier reste destiné à un public averti mais c'est finalement une très bonne chose car finalement le cinéma d'horreur ne devrait t-il pas toujours l'être ?

Après et malheureusement Terrifier n'est pas dénué de nombreux défauts à commencer par une direction d'acteurs très inégale. Inutile de revenir sur David Howard Thornton, il est génial dans le rôle du clown et les deux premières filles qui croiseront son sinistre chemin interprétées par Catherine Corcoran et Samantha Scaffidi sont également très convaincantes. Par la suite ça va franchement se gâter d'autant plus que les personnages semblent de plus en plus creux, artificiels et mal écrits à mesure que le film avance. Passe encore pour les rôles fonctionnels de chair à tueur et ceux complètement inutile comme ce personnage de femme folle se trimballant une poupée qu'elle prend pour sa fille, mais difficile de ne pas tiquer devant la performance très pauvre de la comédienne Jenna Kanel assez insipide en final girl. Dans la construction du suspens et de sa mise en scène Damien Leone ne fait pas non plus des étincelles même si il conduit son récit sans faillir et sans temps morts et surtout sans oublier qu'un film d'horreur se doit de montrer les exactions qu'il propose sans se voiler la face quitte à bousculer profondément le spectateur. Damien Leone propose un pur film d'horreur méchant et brutal qui semble parfois glisser vers le torture porn mais qui ne sombre jamais dans la provocation facile et crapoteuse de celui qui voudrait choquer avant même de servir son récit. On pourra également regretter un sound design assez pauvre et une partition musicale de Paul Willey qui ne restera pas dans les mémoires alors que l'on pouvait imaginer et espérer pour cette ordure de art Le Clown un thème musical fort entre la musique festive du cirque et la folie de l'horreur viscérale. Quant au final du film ouvert sur une possible suite avec un tueur increvable et surnaturel à la Jason, il n'est pas non plus à mon sens la plus brillante idée du film.

Pour son personnage assez génial et terrifiant, pour son approche viscérale du genre ce Terrifier mérite largement d'être découvert. On sait aujourd'hui que la suite débarquera en salles le 28 décembre (franchement quelle idée à la con de balancer le film au moment de Noël), reste à savoir avec quel nombre de copies. Je suis vraiment très intrigué par la durée assez inhabituelle du film de 138 minutes qui me semble suicidaire si la suite propose aussi peu d'enjeux dramatiques que le premier film , mais j'ai assurément envie de retrouver le personnage de Art Le Clown et de voir comment Damien Leone fait évoluer son univers sans le dénaturer. Réponse dans quelques mois, en salles ou ailleurs?