Une série B de science-fiction qui tient la route, c'est un peu comme les poissons volants : ça existe, mais c'est loin de constituer la majorité de l'espèce. Autant dire que le pari de James Cameron, alors essentiellement connu pour son travail aux côtés de Roger Corman, n'était pas tout à fait en mesure de susciter des torrents d'enthousiasme. Pourtant, avec le recul, on peut aujourd'hui affirmer que Terminator a non seulement fait date, mais aussi école. Sans broder d'incroyables ressorts narratifs, le film recycle plutôt bien deux thèmes chers à la SF, les paradoxes temporels et les intelligences artificielles, matérialisés ici par un voyage dans le temps, des flashforwards dans un futur dystopique et un soulèvement des machines visant à l'éradication du genre humain. Cela étant, ni la caractérisation des personnages ni le récit d'anticipation ne comptent parmi les principales ressources de Terminator. Il y a d'abord cette manière d'inscrire le « cyborg », « invulnérable et indestructible », dans le plan. Robot intelligent doté d'un endosquelette de métal couvert de tissus charnels humains, le T-800 bénéficie de nombreuses représentations iconiques, dues soit à ses singularités morphologiques – l'oeil rouge, l'ossature en acier, l'anthropomorphisme androïde –, soit à des accessoires de cinéma particulièrement généreux en ce qui concerne l'incarnation – blouson de cuir, grosse cylindrée à deux roues, lunettes noires, fusils d'assaut...


Il y a aussi cette construction dramatique nerveuse, visuellement inventive, articulée autour de deux individus venus du futur en quête d'une même femme, Sarah Connor, l'un pour la protéger en vue de préserver l'espèce humaine, l'autre pour la supprimer afin d'acter définitivement l'avènement des machines. Au milieu de tout cela, parmi les poursuites infernales et les inclinaisons sanguinaires, entre un massacre dans un commissariat ou une discothèque et une visite inopinée dans un motel, se fondant au sein d'un discours techno-pessimiste et de dialogues à valeur énonciatrice (l'interrogatoire de police, la conversation introspective avec Sarah), James Cameron nous donne à voir ce qui ressemble fort à de l'humour à froid : des répliques courtes d'une banalité confondante (le fameux « Je reviendrai... »), l'impassibilité quasi caricaturale d'Arnold Schwarzenegger, un nom de bar plutôt évocateur (Tech-Noir) ou des assassinats parfois à la lisière du ridicule (la colocataire et son amant). L'un dans l'autre, on comprend aisément pourquoi le Terminator, SkyNet et la Résistance Tech-Com firent en leur temps une entrée fracassante dans la culture populaire, jusqu'à se loger aux premiers rangs, aux côtés de l'Alien de Ridley Scott ou du E.T. de Steven Spielberg.


Critique à lire dans Fragments de cinéma

Cultural_Mind
8
Écrit par

Créée

le 31 oct. 2017

Critique lue 1.2K fois

52 j'aime

3 commentaires

Cultural Mind

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

52
3

D'autres avis sur Terminator

Terminator
drélium
9

Search mode

Non, je ne l'ai pas revu. Défendre Terminator... Défendre Terminator 3, je veux bien, là y a du challenge, mais The Terminator, rien que le titre, c'est la moitié de la planète qui s'incline...

le 23 août 2012

97 j'aime

40

Terminator
Gothic
8

Classe of 1984

The Terminator, c'est un film de genre noir thriller science-fiction action romance. The Terminator, c'est un deuxième long de Cameron écrit avec sa future femme. The Terminator, c'est une oeuvre...

le 3 févr. 2016

81 j'aime

20

Terminator
Torpenn
5

Le futur au conditionnel

Commençons par expliquer un peu le phénomène; d'abord, il y a un film de S-F à petit budget, une série B qui s'assume mais essaie de présenter aussi un petit quelque chose en plus, quelques...

le 22 août 2012

74 j'aime

43

Du même critique

Dunkerque
Cultural_Mind
8

War zone

Parmi les nombreux partis pris de Christopher Nolan sujets à débat, il en est un qui se démarque particulièrement : la volonté de montrer, plutôt que de narrer. Non seulement Dunkerque est très peu...

le 25 juil. 2017

68 j'aime

8

Blade Runner
Cultural_Mind
10

« Wake up, time to die »

Les premières images de Blade Runner donnent le ton : au coeur de la nuit, en vue aérienne, elles offrent à découvrir une mégapole titanesque de laquelle s'échappent des colonnes de feu et des...

le 14 mars 2017

62 j'aime

7

Problemos
Cultural_Mind
3

Aux frontières du réel

Une satire ne fonctionne généralement qu'à la condition de s’appuyer sur un fond de vérité, de pénétrer dans les derniers quartiers de la caricature sans jamais l’outrepasser. Elle épaissit les...

le 16 oct. 2017

55 j'aime

9