Tatie Danielle par Gérard Rocher La Fête de l'Art

On ne sait si Odile, la gouvernante d'un certain âge de Tatie Danielle, est la moins malheureuse en ayant quitté ce monde suite à un accident ménager. En effet la pauvre Odile était la souffre-douleur de la maîtresse des lieux. Tatie se retrouve donc seule et livrée à elle-même avec Jean-Pierre et Jeanne ses petits neveux comme seule famille. Jean-Pierre et Catherine son épouse, ayant perdu tous deux leurs parents, trouvent que pour leurs enfants Tatie Danielle serait une gentille "mamie". Ils décident de l'héberger mais bien mal leur en a pris. Vivre avec cette vieille femme de 82 ans est un supplice de plus en plus pesant. Bref, Tatie Danielle a tous les défauts inimaginables et s'illustre par sa méchanceté et son imagination débordante pour les calomnies et les caprices en tous genres. Pour tout arranger le départ en vacances approche et Jeanne refuse de s'occuper de la vieille femme. Le couple décide donc d'embaucher pour cette période une jeune fille, Sandrine, pour veiller sur "l'être tyrannique" et le chien...

En fait, c'est l'histoire d'une personne aigrie, révoltée, agressive et menteuse. Peut-être est-ce les éléments de la vie qui lui ont taillé cette ignoble carapace qui l'isole de la société? Envahie d'a priori sur son entourage elle n'a qu'une idée en tête, humilier voire terrifier son monde, montrer par son égoïsme exacerbé que les autres sont des êtres détestables qui lui veulent du mal et qui ne seront jamais fréquentables. La jeune Sandrine est durant quelques temps piégée par les manigances et les caprices de cette mégère aux yeux haineux et au langage dédaigneux et grossier. Puis un jour Sandrine, poussée à bout, décide d' élever le ton, ne cédant plus aux caprices et prenant quelque peu une attitude détachée puis plus agressive envers Tatie Danielle. Alors la dure carapace de celle-ci s'ébrèche, elle trouve quelqu'un qui ne marchera jamais dans ses combines. C'est l'heure d'une complicité entre les deux femmes. Danielle qui a dû vendre sa maison lorsqu'elle s'est retrouvée seule a toujours dans la tête de déshériter à sa manière ses petits neveux en donnant de l'argent et même un bijou de valeur à sa nouvelle compagne, c'est la trêve. Des morceaux de cette carapace sont toujours présents et la méchanceté va reprendre subitement au cours d'une contrariété pour un fait anodin provoqué par Sandrine qui décide de quitter la maison. C'est alors la violence qui va envahir l'esprit de Tatie Danielle à tel point que Jean-Pierre et Catherine seront inquiétés par les autorités suite à un nouveau mensonge de celle qu'ils pensaient être une gentille "mamie". Sandrine arrivera t-elle à nouveau à amadouer Danielle? Pourquoi-pas! Il y a parfois des miracles même s'ils peuvent être rares.

Étienne Chatiliez est bien connu pour son style de cinéma quelque peu satirique et ses personnages souvent "originaux" voire outranciers. Parfois ça me plaît beaucoup, "La vie est un long fleuve tranquille" , mais parfois ça m'attire un peu moins comme l'histoire de cette Tatie imbuvable. Le sujet est intéressant. Qui n'a pas connu une personne de ce genre empoisonnant l'existence des autres? Mais ayant vu ce film à plusieurs reprises, j'ai eu le ressenti d'une comédie sans beaucoup de finesse, certaines scènes me faisant rire et d'autres me laissant dubitatif. Sandrine se soumet tout de même à cet argent et à ce bijou offerts par Tatie Danielle, elle se soumet à abandonner un pauvre chien en pleine nature pour partir en balade. Elle commet un acte coupable en quittant la vieille femme à la suite d'un caprice idiot. D'autres petits détails font perdre à cette comédie l'efficacité qu'elle aurait dû avoir. Je ne vais pas vous dévoiler le final qui me paraît bizarre et qui tombe là, comme un cheveu sur la soupe et qui m'a laissé carrément sur ma faim. Franchement quelque chose ne colle pas dans ce portrait qui s'écroule durant la seconde partie de ce film car en voulant être trop féroce on perd dans l'analyse et la crédibilité des personnages principaux et c'est bien dommage.

Côté interprétation, Étienne Chatiliez a su trouver un duo de choc avec Tsilla Chelton, absolument étonnante et efficace dans son rôle de Tatie Danielle, mégère absolument détestable, et Isabelle Nanty, Sandrine, excellente dans cette interprétation de jeune fille parfois douce, parfois autoritaire et même vacharde. A citer également Catherine Jacob et Eric Prat, Catherine et Jean-Pierre, ce pauvre couple qui subit les assauts inattendus d'une calamité. Cette distribution bien sentie parvient à donner heureusement un élan salvateur à ce film.

Bien entendu le réalisateur sauvé par ses acteurs ne nous présente pas ici sa meilleure œuvre mais il arrive tout de même à nous offrir quelques scènes brillantes et souvent assez drôles. C'est donc un moment agréable à passer devant ce film que je trouve un peu trop surfait. On est ici loin du bonheur que nous procure René Allio avec son merveilleux film tout en sensibilité,"La vieille dame indigne", (voir ma critique), rempli de pitié, d'optimisme et de sourires.

Box-office France: 2 151 463 entrées

Ma note: 7/10