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6.6
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Film de Sion Sono (2015)

Sion SONO est de retour avec Tag, adaptation très personnelle du roman Real Onigokko de Yusuke YAMADA, qui a déjà connu cinq adaptations plus ou moins médiocres au cinéma ou à la télévision. À l'instar de Tokyo Tribe l'an passé, Sion SONO n'hésite pas à transformer ce film de commande basé sur un scénario préétabli en une œuvre intime et profonde dont lui seul a le secret.


Si l'on considère le résumé et la bande-annonce de Tag, on peut s'attendre soit à un film mystique et intriguant dans la veine de Suicide Club (2002), soit à un film fendard et nihiliste où de jolies lycéennes sont massacrées à la pelle dans la plus grande gratuité. Le premier tour de force de Tag est de nous proposer un mélange des deux univers, mais également – et surtout – ni l'un ni l'autre.
Après une ouverture choc, digne héritière de celle de Suicide Club, on s'attend à un film hystérique et à couper le souffle. Finalement, le film se révèle être très doux, voire contemplatif, même dans les scènes les plus rythmées. Avec un scénario minimaliste et des ambiances oniriques et surréalistes, le film est emmené par une réalisation ample, audacieuse et aérienne. Tag offre au spectateur plusieurs scènes d'anthologie à la photographie épurée et cotonneuse, superbement soutenue par la présence du groupe de post-rock Mono, qui officie à la musique. Ainsi, une scène, aussi insignifiante soit-elle, se mue en une œuvre d'art sublime et tragique. Une fois de plus, SONO sublime la jeunesse ; une course à travers champs pour sécher les cours devient un hymne à la liberté et quatre lycéennes jouant avec un oreiller au bord d'un lac résonne comme un cri d'amour à l'innocence et à la vie.
Innocentes et pleines de vie, Reina TRIENDL, Mariko SHINODA et Erina MANO sont également sublimées dans ce long-métrage où elles demeurent, muses au regard triste face à l'absurdité de la vie. Les rôles secondaires portés par Ami TOMITE et Yuki SAKURAI ne dépareillent pas, fières et fortes victimes éternelles de l'univers tragique et injuste de Tag.
Conduit par une unité de temps, le film s'apparente à une longue course-poursuite dans un rêve qui se mue en cauchemar et qui se répète inlassablement, perturbé par des éléments surréalistes dont seuls les mauvais rêves ont le secret. Et sous le vernis grotesque de ces événements improbables, on retrouve un malaise et une invisible terreur cauchemardesque des plus tenaces.


Dans Tag, Sion SONO use d'éléments qui font la gloire de son cinéma depuis plusieurs années, de Love Exposure (2008) à The Virgin Psychics (2015) en passant par Tokyo Tribe (2014). On retrouve ainsi des lycéennes maltraitées et du panchira à foison ; mais à la lumière du message du film, Sion SONO donne une nouvelle portée à ces éléments rigolards et déconstruit totalement son univers, emportant une grande partie du monde du divertissement japonais avec lui.
S'il est une chose que l'on a appris au fur et à mesure des films de Sion SONO, c'est que ces derniers ne sont jamais gratuits ; chacun de ses films emporte un message humain, social et poétique. Tag ne fait pas exception à la règle et s'avère être un film très féministe, qui réussit l'exploit de ne pas tomber dans la morale lourdingue. Avec son monde des femmes et son casting essentiellement féminin, l'ambiance mystérieuse de Tag intrigue, et le dénouement de la situation interpelle directement le spectateur, et a fortiori le public masculin venu voir des jolies lycéennes se faire démembrer, comme il est de mise dans le cinéma de Sion SONO.
Le film monte crescendo, oscillant entre douceur onirique et poursuites cauchemardesques, jusqu'à un final injustement bâclé visant à appuyer le propos, alors que celui-ci hantait le film depuis le début, sans jamais se dévoiler. Cette explication forcée et expédiée du message porté par le film est le seul point noir empêchant ce dernier de se hisser au rang de chef d'œuvre du cinéma, ce qui est extrêmement dommage compte-tenu de la qualité générale du long-métrage. Le film restera cependant un monument de la filmographie de Sion SONO et du cinéma de par les scènes saisissantes qu'il offre, submergeant le spectateur d'une émotion immense, incontrôlable et inexplicable.

mxmxm
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le 16 sept. 2015

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