Suzume
7.1
Suzume

Long-métrage d'animation de Makoto Shinkai (2022)

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J'ai beaucoup de mal avec les films de Makoto Shinkai. Si Your Name était intéressant et plutôt sympathique, quoi que très bordélique et confus dans son récit, Les enfants du temps son dernier long métrage était beaucoup plus compliqué à aborder. Si on sentait une une emprunte d'auteur indéniable à travers ces deux derniers films qui l'ont aidé à se faire connaitre à l'internationale, le dernier film sonnait presque immature, à l'image d'un propos de fond douteux et d'une envi assez égoïste de raconter une histoire qui a pour fonction de parler du réalisateur, au réalisateur, sans que celui-ci n'ait à devoir accompagner le spectateur pour qu'il puisse apprécier le film à ses côtés. On a cette impression que la carrière de Makoto Shinkai a commencé qu'à partir de Your Name, et que son succès l'a réconforté dans un style qu'il va apprendre à déployer sous différentes nuances. Malgré tout, s'il est toujours intéressant de voir la confirmation d'un style, il est souhaitable de voir une forme d'évolution et de maturité qui pouvait arriver dans son nouveau film, Suzume, qui arrivait à capter l'attention sur le papier, mais qui n'a pas su alimenter la hype avant sa sortie dernièrement.


Ce qui est remarquable dans ce film, c'est la manière qu'a le réalisateur de tenter un détournement de ses propres codes. Comme ses précédents films, on a une romance (on aura le temps d'y revenir après) mais elle est plus une porte d'entré à une quête de rédemption et de deuil. On ne va tant suivre un personnage allant sauver son amour plus qu'une personne cherchant à trouver des réponses à un mal être profond qui l'empêche d'avancer, ce qui allège considérablement le récit, et aide à faire passer une romance qui pourrait ne pas fonctionner (on y reviendra après). On sent une forme de maturité et de remise en question tant on tend à estomper les gimmicks, et tant le film est surement le plus introspectif par rapport aux deux précédents films du réalisateur. On a tout un propos sur le temps qui passe et le fait de préserver ce qui a vécu, notamment à travers la quête du personnage principale qui, un peu par hasard, vient à entamer une traversé qui l'amèneront à des lieux morts et abandonnés. C'est en faisant l'effort de ressentir les choses et de prendre le temps d'être à l'écoute que Suzume trouvera la manière de trouver des réponses à son mal être. Si on extrapole, on pourrait presque trouver un propos sur le traumatisme post catastrophe naturel qui brise les barrières de culture et vient unir les peine de chacun en un lieu commun qui devient le cimetière des bonheurs passés, et cela en fait un objet assez touchant.


Le soucis étant que le film n'a pas le temps à cela, et qu'on sent presque que le film n'est pas tant sensible à ce qu'il évoque. Le film est vraiment très froid et impersonnel dans sa première parti. Malgré quelques phases de "repos" où l'on peut savoir d'avantage sur l'héroïne et où l'on reprend des motifs du réalisateur (comme le voyage hors de chez soi pour Tokyo, les petits boulots pour trouver où vivre...), la première parti prend une forme cyclique, extrêmement rapide, et très redondante. Suzume part chercher le chat, elle trouve un endroit où dormir, elle travaille pour rendre service, elle retrouve le chat sur Twitter, retrouve le chat en vrai, une porte est ouverte, elle pense au passé de l'endroit, elle ferme la porte, le chat s’enfuie, et rebelote sur toute la moitié du film. On adopte presque une forme épisodique proche de séries magical girls à la Sakura chasseuse de carte, renforcé par tout une scène cérémoniale lorsque Suzume doit fermer une porte, qui casse le côté sensible et personnelle du film. Même dans sa scène d'intro, se voulant assez intimiste et touchante pour nous impliquer émotionnellement à la mélancolie du personnage principale, ou même les scènes où l'on vient à voir des souvenirs de lieux abandonnés, le film parait très artificiel tant tout semble prendre une direction par nécessité plus que pour raconter quelque chose. Le film ne prend pas assez son temps pour développer ces nouveaux thèmes qui débarquent dans le cinéma de Makoto Shinkai, et auraient pu donner du dynamisme dans une première partie qui n'a pas l'air de savoir où elle va.


Malgré tout, lorsque Suzume rencontre l'ami de son crush changé en chaise, le film prend une tout autre direction. Avec un rythme beaucoup plus lent, on quitte l'aventure pour aller dans un road movie méditatif très efficace, et on est très vite porté par l'ambiance planante qui se créé entre les personnages. On est très vite sensible aux surprises, même si cela vient au détriment de ce qui a été instauré jusqu'à présent dans le long métrage (notamment un récit secondaire un peu trop prévisible, à propos d'une relation entre la mère de Suzume et un collègue de travail, qui finit totalement oublié et jeté à la poubelle), on est captivé et pris dans le récit. Les éléments de surprises deviennent plus forts, et on peut très vite réceptif à une engueulade très osé et cru dans un parking, à un chat qui maigrit à vu d’œil car rejeté par ce qu'il croit être son ami, ou encore lorsque le chauffeur vient à mettre une série de playlist musicale pour essayer de détendre l'atmosphère pesante dans la voiture. A ce moment là, le film arrive enfin à tenir réellement grâce à un côté plus terre à terre, qui donne de la lourdeur, mais surtout la gravité qu'il faut pour entretenir ce genre de récit... à un peu plus de la moitié d'un film de 2h. Pourquoi ? Parce que si le voyage en quête de deuil est le plus gros point fort du film, il n'est pas le point centrale que le réalisateur veut développer. Le centre de l'histoire reste le centre d'intérêt préféré du réalisateur, à savoir la relation amoureuse entre son doppelgänger et les femmes, même si cela n'apporte strictement rien au récit. On en arrive alors à mon principale problème avec ce film: La fantasmatisation.


Si je vous disais que le film était trop rapide et très peu sensible dans sa première moitié, c'est en grande parti à cause du fait que le nœud même du film, ce sur quoi repose tout l’enjeu émotionnel du long métrage, est partagé entre deux choses non complémentaires qui se parasite sans jamais trouver une harmonie. Le premier est bien sûr le propos sur le deuil, le second sur la relation amoureuse qui ne marche pas du tout. La chose étant que le réalisateur fétichise son doppelgänger de manière très malaisant, que même un Dwayne "The Rock" Johnson ne ferrait pas dans Black Adam, à un point où cela brise toutes crédibilités à travers toutes tentatives de relation. On nous présente une jeune fille belle et intelligente qui, d'un regard seulement, tombe amoureuse d'un beau mâle brun aux cheveux long à la Kirito des beaux jours de Sword Art Online, et sera poussé par cet inconnu séduisant mystérieux, marchant comme un héro, à sécher les cours et à le sauver si besoin. Il faut la comprendre car, voyez vous cet inconnu (qu'elle n'a croisé que le temps d'un regard et de deux lignes de dialogues) est parfait sous tous les angles. Il est filmé en contre plongé avec un air sombre, mais en même temps si sensible, et même lorsque le beau brun est blessé, il faut que ce soit un warrior alpha qui puisse être séduisant avec ses larges épaules et son physique avantageux, qui ne laissera pas la jeune demoiselle indifférente... On sent un fantasme malsain de réalisateur qui projette ses désirs à l'écran, quelque soit le contexte ou même la raison. Dans Your Name et Les enfants du temps, la chose passait plutôt bien car, soit vu de manière poétique, soit vu à travers un regard prude d'enfant qui justifiait une forme d'espièglerie et de maladresse. Cependant, dans les deux films, le récit est vu à travers un personnage principale masculin. Ici on essaye de construire un regard objectif masculin à travers un personnage féminin, ce qui renvois indirectement à des sous entendus texte crade et malsain où le réalisateur est maitre de savoir ce que souhaite une jeune fille de cet âge. Ce qui est énervant, ce n'est pas tant que ce soit une romance qu'on l'a déjà vu au moins deux fois en mieux, mais plus qu'elle éclipse une bonne histoire qu'on aimerait découvrir pour la première fois. On voit un excellent film, dans la même veine qu'un Souvenirs de Marnie ou d'une Colline aux coquelicot, être saborder par une fin qui n'arrive pas à conclure toute la beauté du voyage car il faut privilégier une romance plate et chiante. Effectivement le film est intéressant, même qu'il est mieux que son dernier, mais cela n'en fait pas un chef d’œuvre


11/20


N’hésitez pas à partager votre avis et le défendre, qu'il soit objectif ou non. De mon côté, je le respecterai s'il est en désaccord avec le miens, mais je le respecterai encore plus si vous, de votre côté, vous respectez mon avis.


Youdidi
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le 5 mai 2023

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