Alors oui, je vous vois arriver avec vos "ouais, mais je suis allé voir le film avec mon petit Kevin, 9 ans, et on s'est bien amusés !" et vos "mais, ne te prends pas la tête, c'est pour les enfants !". Pour le premier type d'argument, je m'en bats les steaks puissance dix mille de ce genre de propos à la con, car un enfant ou un adolescent n'a pas encore suffisamment emmagasiné de connaissances pour pouvoir donner un avis critique un tant soit peu consistant. Que vous ayez passé un bon moment en famille, OK, tant mieux pour vous, que vous jugiez ce film bon simplement parce que votre gosse le considère ainsi, non, non et non. Pour le deuxième type d'argument, euh, à part quand le contenu ne concerne vraiment que des enfants à la crèche ou à la maternelle, un bon film d'animation se doit de s'adresser à tous les âges. Sinon quoi, on considère les Disney de l'âge d'or, ceux des années 1990, une bonne partie des Pixar comme ayant une teneur identique au reste et non comme des modèles à égaler ou à approcher ? Et je ne parle même pas du Japon. J'ai oublié de mentionner aussi que Mario a été créé dans les années 1980, donc pas mal de générations partagent la passion de ce personnage, de ses acolytes ainsi que de ses ennemis.


Si j'ai visionné Super Mario Bros, le film, c'est que j'ai passé des heures et des heures ado sur ma N64 à essayer de grappiller ces fichues 120 étoiles dans Super Mario 64 ou à profiter du fait de pouvoir diriger et faire gagner Bowser dans Mario Kart, sur la même console. J'ai grandi avec cet univers et si je n'ai pas tâté du jeu vidéo depuis (je gaspille suffisamment de ma terne existence sur Internet, pas la peine d'en ajouter !), la fibre nostalgique m'a poussé vers ce long-métrage.


Si je ne m'attendais pas à quelque chose de grandiose, je présumais qu'au moins le résultat donnerait un bon divertissement avec de la substance. Je présumais mal.


Bon, l'animation fait le boulot, dans la moyenne actuelle, sans étincelle. Chris Pratt se débrouille plutôt bien à doubler le plombier italien, à ma grande surprise, même s'il se fait voler vocalement la vedette par Anya Taylor-Joy, en Princesse Peach, et Jack Black, en Bowser, complètement à l'aise dans l'exercice. Voilà pour les quelques qualités.


Pour les défauts... ben, ils se basent sur une petite chose de rien du tout : le scénario... En effet, l'écriture est calamiteuse.


Déjà, pendant un trop long moment, Mario est présenté comme un gros loser. OK, pourquoi pas ! Sauf que c'est répété un million de fois, que ça dénature le perso d'origine (oui, quand on est connu pour avoir défait 36 milliards de fois une espèce de dragon géant, avec une carapace à pointes, alors qu'on a la taille de Tyrion Lannister, je suppose que l'image du winner badass est très bien intégrée dans les esprits !). Pourquoi cette représentation de loser sortie de nulle part ? Ben pour que le côté "femme forte" de Peach ressorte mieux parce que c'est dans l'air de notre époque. Euh, autant il est légitime que maintenant, on sorte définitivement ce personnage de son rôle de demoiselle en détresse, qu'il sache prendre lui-même les choses en main, autant son aspect "girl power" aurait aussi bien fonctionné avec un alter ego masculin. Ah oui, Mario ne réussit que parce qu'il avale des champignons et qu'il cogne sa tête sur des boîtes, jamais par l'intermédiaire de capacités physiques naturelles. Ouais, la notion de mérite et de dépassement de soi (oui, vous savez, ces belles valeurs qu'on aime inculquer à sa progéniture quand on est un bon parent !), on s'en branle.


Ensuite, rien de ce qui est esquissé n'est exploité jusqu'au bout. Mario et Luigi considérés comme des losers dans la "réalité", survolé. La rencontre et le début des relations entre Peach et Mario, survolés. Dans l'optique loser, le film perd dix plombes à faire s'exercer notre héros dans un parcours d'obstacles à la manière des jeux vidéos de la franchise, juste pour placer une référence, bien appuyée par sa durée, aussi inutile que la séquence entière. Oui, quel est le but de cette dernière ? Ben, Peach n'accepte d'aider Mario à retrouver son frère Luigi que s'il réussit l'épreuve des obstacles. OK, mais non, finalement, elle s'en bat les ovaires de la réussite ou non (et vous croyez sérieusement qu'une personnalité aussi bien intentionnée et intelligente comme Peach irait perdre autant d'un précieux temps dans ces conneries futiles, au lieu de déclencher immédiatement l'opération sauvetage !). Excepté pour la référence interminable à deux balles, à quoi ça sert dans l'intrigue alors ? A que dalle. Les rapports entre Donkey Kong et notre caractère au mythique costume rouge, survolés. Ceux entre les deux frères, le vert et l'écarlate, survolés. Donkey Kong qui cherche l'estime de son père, survolé. Le passé de Peach, survolé. Passer de la "réalité" à un ailleurs ? Même pas survolé ! Toad ? Je ne sais même pas ce qu'il fout là. Il est placé dans le bazar uniquement parce que c'est une silhouette majeure de la licence. Et le champignon qui parle est très loin d'être le seul dans ce cas. Tous les exemples que j'ai énumérés ne forment qu'un échantillon parmi beaucoup d'autres. Ah oui, quelqu'un pourrait m'expliquer le pourquoi de la course de kart dans l'histoire (hors référence que les créateurs se sont sentis obligés de foutre ici parce que les jeux Mario de cette catégorie sont particulièrement populaires auprès des joueurs !) ?


Sur le fil conducteur que Bowser veut encore foutre la merde (il ne pouvait pas en être autrement puisque, hors ceux consacrés exclusivement au sport ou à la compétition en général, c'est la base de tous les jeux Mario !), aucun enjeu, aucune relation, aucun contexte n'est un minimum creusé ; aucune référence n'est un minimum incorporée pour paraître couler de source dans le récit. Ça ne prend jamais le plus riquiqui instant pour se poser. Cela s'enchaîne, cela s'enchaîne et cela s'enchaîne. Voilà, c'est tout et rien d'autre.


Il s'agit juste d'injecter un maximum de trucs sans consistance dans un minimum de temps. Ouais, il n'est nullement besoin d'être diplômé d'un master en business pour deviner que la durée peu longue du bousin a pour visée de pouvoir programmer un max de séances dans une même journée. Qui dit un max de séances dit la possibilité d'un plus large public en 24 heures à se déplacer dit plus de thune avec laquelle se bourrer les poches.


Pour la qualité artistique ? Pour l'investissement émotionnel ? Bref, pour ce qui injecte de l'intérêt pour une œuvre ? Vous pouvez vous les enfoncer là où je pense.


Je passe sur les invraisemblances. Les deux frères reçoivent un coup de fil pour un problème de plomberie, sans que leur correspondant donne son adresse. Je voyais déjà un gag du sketch de la police des Inconnus arriver, mais non, ils devinent le lieu exact, on ne sait comment. Le fait de se cogner annulerait les effets des pouvoirs suite à l'ingurgitation d'un champignon. Toutefois, à de nombreuses reprises, ça n'a pas de conséquence. Et sûrement une avalanche d'autres débilités...


Qu'est-ce qu'il y a d'autres ?


Ah oui, dans une scène post-générique de fin (aujourd'hui, il y en a toujours une dans les superproductions !), évidemment, on annonce la possibilité d'une suite pour mieux encourager les spectateurs à sortir les sousous en masse. Et ceci par le truchement de la promesse qu'une figure importante et adorée de l'univers Mario, qui n'était pas présente dans cet opus, sera là la prochaine fois.


Et ce n'est pas en incorporant une chanson d'a-ha ou une autre d'Electric Light Orchestra, sans logique avec le bout de film accompagné musicalement, que ça suffit à rendre le résultat global intéressant pour les adultes.


En résumé, un machin commercial sans âme adapté d'un monde imaginaire qui en a pourtant. Mamma mia !

Plume231
2
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2023

Créée

le 5 avr. 2023

Critique lue 3.2K fois

93 j'aime

21 commentaires

Plume231

Écrit par

Critique lue 3.2K fois

93
21

D'autres avis sur Super Mario Bros, le film

Super Mario Bros, le film
Ketchoup
8

O'Brother

Super Mario Bros, Super Mario 64, Super Mario Sunshine, New Super Mario Bros, Super Mario Galaxy, Super Mario 3D World, Super Mario Odyssey, Paper Mario, Mario Kart, Mario Party, Mario Tennis et la...

le 8 avr. 2023

80 j'aime

21

Super Mario Bros, le film
lhomme-grenouille
2

...Et si on se respectait un peu ?

« Eh ! Eh ! Eh mon toutou ! Viens-là mon toutou ! Viens chercher le ticket dans la papatte de papa Gru et de tonton Shigeru ! Viens ! R’garde ça mon chien ! Tu as vu ? Y a tes doudous Mario, Luigi...

le 16 avr. 2023

75 j'aime

75

Super Mario Bros, le film
Behind_the_Mask
5

Tuyaux percés ?

Les portages de jeux vidéos au cinéma, cela n'a jamais vraiment été ça... Et surtout quand on s'acharne à les transposer en live. Il n'y a qu'à voir l'antique et psychotronique Super Mario Bros. de...

le 8 avr. 2023

40 j'aime

6

Du même critique

Babylon
Plume231
8

Chantons sous la pisse !

L'histoire du septième art est ponctuée de faits étranges, à l'instar de la production de ce film. Comment un studio, des producteurs ont pu se dire qu'aujourd'hui une telle œuvre ambitieuse avait la...

le 18 janv. 2023

285 j'aime

19

Oppenheimer
Plume231
3

Un melon de la taille d'un champignon !

Christopher Nolan est un putain d'excellent technicien (sachant admirablement s'entourer à ce niveau-là !). Il arrive à faire des images à tomber à la renverse, aussi bien par leur réalisme que par...

le 19 juil. 2023

208 j'aime

28

The Batman
Plume231
4

Détective Batman !

[AVERTISSEMENT : cette critique a été rédigée par un vieux con difficile de 35 piges qui n'a pas dû visionner un film de super-héros depuis le Paléolithique.]Le meilleur moyen de faire du neuf, c'est...

le 18 juil. 2022

137 j'aime

31