Cendres pour cendres, la mélodie du désenchantement se crée. Le point de vue est cruel, car distant, mais c'est bien de cet éloignement que vient toute l'émotion du film qui constitue (à mes yeux, ceux d'un novice du cinéma de Michel Franco) l'une des plus grandes surprises de cette année.
Et pourtant...
Pourtant le début du film n'a rien pour lui. Une lassitude d'un bourgeois en vacances qui s'exécute par des plans des plus courts, où seule la fiction règne, où l'on ne prend pas le temps de voir véritablement les protagonistes de l’œuvre. Tout semble assez écrit, et rend le tout non abominable, mais largement dispensable. C'est finalement ce qui empêche Sundown d'être catalogué parmi les « grands films », ce sont ces petites imprécisions, symbolisées par ce plan très court où Tim Roth ouvre sa valise (après avoir feint à l'aéroport auprès de Charlotte Gainsbourg d'avoir oublié son passeport) et où son passeport occupe une grande place dans le cadre. L'idée est passée, une idée en lien direct avec l'histoire du film, ce qui permet de boucher les espaces du récit du film, mais qui ne fait pas un bon film. La preuve étant que ce plan ne sert qu'à ça, qu'à signifier qu'en effet, Tim Roth a menti à Charlotte Gainsbourg, chose qui sera de nouveau confirmée quelques temps plus tard dans un dialogue qui aurait eu bien plus d'importance si cette image du passeport dans la valise ne s'était pas intercalée dans cette douce routine que le film commençait progressivement à amorcer.
Ceci étant dit, Sundown est l'un des films les plus émouvants de cette année (disons qu'il est en concurrence avec Soy Libre), et il est très surprenant de voir aussi peu de critiques le souligner. Pourtant, c'est un film avec des acteurs excellents, on aurait au moins pu espérer que cela soit souligné, mais non, dommage. C'est peut-être parce que le jeu de Tim Roth passe par la retenue, et s'accompagne ainsi avec la distance qu'épouse la caméra avec le personnage de Neil (interprété donc par Tim « Little Odessa » Roth), et qu'on en revient finalement aux bases du cinéma. Ces bases qui ont vu Lev Koulechov montrer comment un acteur pouvait jouer subtilement sans même jouer. Il faut se rendre à l'évidence, si Tim Roth joue parfaitement bien dans ce film, c'est dû à son talent, et à Michel Franco. La neutralité de son jeu permet d'établir un flou sur le personnage de Neil et, plus généralement, sur le contexte du film. C'est tout simplement « une histoire comme ça », et pourtant des événements majeurs s'y déroulent, mais ils passent comme un long fleuve tranquille. Le génie de cette œuvre tient alors dans la façon qu'elle a de retenir ses éléments sans jouer sur le suspens. Oui, c'est un film au récit lacunaire, il nous manque des éléments pour arriver à saisir toute la psychologie de Neil. Mais le cinéma n'est pas de la psychologie, et la caméra n'explique pas, elle montre. C'est donc par la force des choses qu'on en apprendra plus sur le pourquoi du comment de la situation, mais cela importe peu. Ce dont on se souviendra, c'est des quelques sourires qu'on aura pu apercevoir chez Neil, des gestes anodins qui n'en sont pas. « Ce n'est pas grave », voilà le geste du film, et ce qui constitue sa grandeur.