Qu'est-ce qui peut bien troubler le ciel bleu azur d'Acapulco ?

Le titre du film nous le dit d'emblée : la venue du crépuscule, quelque forme qu'elle prenne.

Seulement il fait si beau à Acapulco, le bleu azur de son ciel est d'une qualité si paradisiaque qu'il paraît impensable que quelque chose puisse jamais le ternir.

Oui, Acapulco est une ville de rêve, au moins pour les nantis qui y viennent en vacances. Et c'est bien ce que Michel Franco nous montre pendant les dix ou quinze premières minutes de son film. Une riche famille anglaise, famille apparemment idéale (un homme, une femme, un jeune homme, une jeune fille) savoure des vacances idéales dans la station balnéaire idéale, s'il en est une au Mexique. Sauf que le téléphone de la femme (Alice / Charlotte Gainsbourg) vient soudain les tirer de leur farniente : "Oh God ! Maman est hospitalisée, c'est très grave, il faut rentrer de toute urgence". Où ? À Londres, on le saura plus tard, un peu posée comme la quintessence de la civilisation occidentale.

Mais à l'aéroport, l'homme (Neil / Tim Roth), prétextant qu'il a oublié son passeport à l'hôtel, laisse les trois autres prendre l'avion pour s'occuper de celle qui, on l'a appris entre-temps, vient de mourir, et lui retourne tranquillement dans le centre-ville d'Acapulco.

C'est ce que le réalisateur nous montre, mais il nous laisse interpréter les choses, l'attitude du "vacancier prolongé", comme on veut et avec le peu d'éléments qu'il nous donne pour cela, au fil de l'histoire. Et naturellement, il y a matière à s'interroger sur le comportement de cet homme qui semble un peu à côté de ses pompes, sur ce qu'il est, ce qui le motive, ce qu'il éprouve, les raisons de sa déroutante façon d'agir.

Pour ma part, connaissant la réputation du pays et de la ville en question, j'ai presque immédiatement pensé qu'il allait se faire tuer de façon crapuleuse quand, au lieu de retourner dans le palace dans lequel les quatre étaient initialement descendus, il accepte de prendre une simple chambre (fermant mal) dans l'hôtel, genre pension de famille, que lui recommande le taxi mexicain, clairement peu fiable, pris au retour de l'aéroport.

L'insouciance, l'inconscience de Neil paraissent incroyables, inexplicables. On se dit forcément qu'il n'est pas bien dans sa tête, le réalisateur montrant bien, par ailleurs, que la ville est dangereuse, pleine de voleurs, d'arnaqueurs et autres individus à la gachette facile.

Mais comme dit plus haut, Michel Franco nous laisse nous faire d'abord notre propre idée des choses, quitte à nous les préciser ensuite par petites pincées d'information.

Donc, l'idée d'un Neil inconscient de ce qu'il se met en danger, à vivre là où il vit, de la façon dont il vit (bières fraîches et petite nana locale) , disparaît peu à peu. Son comportement pour le moins bizarre, extraordinairement "égoïste" (assez vite, il ne répond plus aux appels téléphoniques angoissés de sa famille, alors qu'elle l'attend pour les obsèques de la personne finalement décédée) s'éclaire lentement.

Reste que son insouciance et apparente, inexplicable indifférence ne vont pas être sans conséquences. Les choses vont aller de mal en pis, car le nouvel entourage qu'il s'est plus ou moins choisi va évidemment chercher à profiter de la situation.

Si bien que le sens du titre du film : Sundown / Crépuscule nous paraît de plus en plus justifié, de plus en plus limpide. C'est la thématique centrale du film de Franco. Quelle que soit notre condition (Neil est un homme à l'évidence aisé, même si son seul signe extérieur de richesse est sa carte bancaire), il arrive toujours un moment où le soleil décline et disparaît à l'horizon, un moment où l'azur le plus bleu fait place aux ténèbres... Et je suis désolé (c'est une formule que Neil Bennett ne cesse de répéter : "Je suis désolé, je suis désolé..." et on sent qu'il l'est, sans n'y pouvoir rien, en subissant la situation), mais force est de constater qu'alors, tout l'argent qu'on a pu amasser au cours de l'existence (même s'il y en a pour des milliards) paraît bien dérisoire, et qu'il suffit d'en avoir encore juste assez pour les jours qui restent à vivre.

Et si Neil, ce drôle de type intérieurement détruit, s'incruste ainsi à Acapulco, alors qu'il appartient clairement à un autre milieu, un monde, situé à des milliers de km de là, beaucoup plus strict et policé (la vieille Angleterre), c'est qu'il s'est convaincu que cette ville au bord du Pacifique, pleine d'excès et toute bruissante de vie, n'est sûrement pas le pire endroit pour attendre celle... qui ne saurait tarder.

Car il se sait atteint d'un cancer cervical qu'il a choisi de ne pas traiter et il souhaite savourer du mieux qu'il peut son crépuscule à Acapulco, sans plus se soucier du reste.

Un plutôt bon film, pas très gai, mais bien joué, bien réalisé et qui traite son sujet, avec rigueur, intelligence et pas mal d'astuce, comme un long suspense. J'ai aimé.

Fleming
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le 2 août 2022

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