Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil

Le filon semble inépuisable. La boîte de pandore, ouverte dans les années 80, laissa échapper en premier lieu Batman et Superman. Elle déversera ensuite une flopée d'adaptations diverses et variées à partir des années 2000. En moins de vingt ans, les spectateurs découvrent ou redécouvrent à l'écran les super-héros DC Comics et Marvel suivants : Aquaman, Batman, Catwoman, Green Lantern, Superman, Wonder Woman, Ant-Man, Captain America, Daredevil, Deadpool, Hulk, Iran Man, Les Quatre Fantastiques, Spider-Man, Thor et bien d'autres encore. Les films de groupe commencèrent également à voir le jour. "Quoi de mieux qu'un film avec un super-héros ?" se sont-ils dit à Hollywood. "Bah, un film avec plein de super-héros !" ont-ils répondu.


Suicide Squad met à l'honneur un groupe de super-vilains. Des gros méchants qui vont devoir devenir gentils pour battre un méchant encore plus vilain qu'eux, à moins que ce ne soit un groupe de gentils que l'on souhaiterait faire passer pour des vilains... Pour que cela fonctionne, il aurait fallu que le réalisateur David Ayer exploite les caractères hétéroclites de cette bande. Leur histoire respective, leur comportement, rien n'aurait dû être bâclé dans la construction de la crédibilité des personnages. Le liant n'est pas non plus présent. Il n'y a aucune âme dans cette équipe, chacun étant grossièrement décrit et suivant son propre but, forcé d'interagir avec les autres.


Dans ce blockbuster, Amanda Waller, membre d'une agence gouvernementale paramilitaire secrète prénommée Argus monte une équipe composée de la fine fleur des criminels du pays. On retrouve Harley Quinn, le docteur lobotomisé, Deadshot, l'homme qui tire plus vite que son ombre, Captain Boomerang, le braqueur amateur, El Diablo, le type qui a des briquets à la place des doigts, Killer Croc, le bébé crocodile jeté dans les égouts qui a mal tourné et pour finir, l'Enchanteresse, esprit parasite sans âge. Tout ce beau monde est recruté pour contrer une menace qui est, à ce moment, hypothétique. Ubuesque, n'est-ce pas ?


Et que dire du matraquage médiatique avec cette campagne lancée près d'un an avant la sortie ? Une campagne, à l'image du film, chaotique et incompréhensible. On nous a rabâché les oreilles avec le personnage du Joker interprété par Jared Leto. Soi-disant le rôle de sa vie qui aurait possédé l'acteur. Toute l'équipe du film qui ne tarit pas d'éloges sur ce nouveau Joker. On nous annonce un grand moment de cinéma et, au final, la prestation est spasmodique. L'électron libre n'est pas du tout mis à l'honneur et gravite autour du Squad, donnant l'impression de ne tout simplement pas faire partir du film.


Suicide Squad laisse le goût amer d'un immense gâchis. La construction du récit et des personnages est insupportablement bâclée malgré une durée honorable de deux heures. Ce qui est terrible dans cette histoire, c'est le budget abyssal de 175 millions de dollars pour ce long-métrage, mais qui parvient à générer en recettes près de cinq fois ce montant. La guerre que se livrent Marvel, représenté par Disney, et DC Comics, produit par la Warner, n'est donc pas prête de s'arrêter au vu de la cash machine que représentent les deux franchises. Le capitalisme dans toute son horreur. Comme le dirait si justement feu Jean-Pierre Coffe :



C'est de la merde !


Vincent-Ruozzi
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le 26 janv. 2019

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Vincent Ruozzi

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