Suicide Club
6.4
Suicide Club

Film de Sion Sono (2001)

- Nous savons si peu de choses, qu'arriverons-nous à savoir en fin de compte ? -

Que peut valoir une critique qui vient s'adjoindre à une note sans défauts, oui cette fois je l'ai fait, 10 sur 10.

Et bien appelons cela tout de même une note, au sens écrit cette fois-là.

Suicide Club s'introduit, s'ouvre par un Love Thème, une chanson qui m'a exalté, d'emblée. Si le film annonce tout de suite, les rails, un suicide collectif, en gare donc.
Il s'agit bien dès lors d'opposer amour et mort, sonorité et visuel, dualités puissantes et immersives ;

- La source du travail de Sono à mon sens. Comme au cinéma, tout est bien maquillé. Le réalisateur, qui se caractérise par le gore, l'aspect choquant de ses oeuvres a pourtant de vrais messages, de société qui sous-tendent harmonieusement à l'intrigue. C'est le constat banal, le fond se servant de la forme qui est fait frappant, et diablement efficace.
La force du réalisateur est bien en effet de remettre en cause certains valeurs, certains traits de la société (les fameux pêchés, la culpa pour les plus juristes) tout en donnant au spectateur, lambda, ce qu'il attend souvent de ses expériences ciné : du sang, du sensationnel, des pleurs.
Des émotions, oui.

- Suicide Club, qu'est ce que c'est ? Encore ? Un objet filmique au cachet indéniable. Frappé par l'inventivité de certaines scènes (celle du bowling, du suicide en haut de l'établissement) où Sono montre qu'il est un véritable artiste. Et pour cause, il parvient à faire tout en même temps, preuve de liberté, de création tout en conservant une maîtrise parfaite de son film. Si la folie omniprésente, la caméra reste glaciale, formidablement sobre.

- A tout cela s'ajoute une intrigue parfaitement soignée, léchée. Sous fond de Thriller, on recherche logiquement les raisons à tous ces suicides. Evidemment, comme nous le savons, ce sont des faits de sociétés, inhérents à celle là.
Quelque soit l'environnement, ce sont bien la solitude, la détresse, les accidents de vie qui nous y poussent.
Si le tout est montré avec une justesse limpide, que ce soit par les avancées scénaristiques ou visuelles ( encore et toujours cette scène en haut de l'établissement, où se créer le Suicide Club ? ) - Formidable.

- Toutefois, là où le réalisateur va plus loin encore, ou cela devient réellement intéressant en somme, c'est qu'il se défend que ces suicides soient inexorables, fatalité. Pour Sono ce sont bien des homicides, il faudra trouver les coupables donc. Ainsi, Sono Accuse sans réserve la société, l'incapacité des autorités ( par le schéma banal mais pertinent du père flic qui ne voit pas ce que ce qu'il cherche est en réalité, sous ses yeux, à vrai dit sous son toit ) ; Idéaliste oui. Sono, véritablement engagé, pointent du doigt des objets tels que l'ordinateur, la télévision, le téléphone, comme de vrai aliénants. Ca peut paraître bateau, mais c'est fait avec talent et bien martelé comme il faut.
Ainsi, il n'est pas étonnant de voir dans Suicide Club, tout le monde au téléphone, société de communication dis t-on ?
Que nenni, voilà bien un aperçu de ce que nous faisons, passer entre chacun de nous sans se voir ni se toucher pour se rejoindre sur Internet ou par text-messages.

- Individualisme ;
C'est le fond, le coeur, l'essence du film je crois. En effet, tout ce qui a été dit, montré, vient donc de là.
Fruit des sociétés modernes, nous sommes fabriqués pour penser à nous, pour que toutes nos actions aillent dans notre intérêt. Mais quel lien subsistera t-il à notre mort ?
Est ce le lien qui nous unit à nous même ? Ou est ce le lien d'amour à ses proches, à sa famille, son épouse, ses enfants ? Chaque fois que le film semble indiquer une réponse, il se remet en question, Philosophie. Subversif.
Sono démontre la façon que nous avons tous de nous réfugier à nous même. La solitude viendrai t-elle de là ? Ce serait pourquoi nous n'avons pas de réels projets collectifs ?
La société nous examine, nous livre des statuts. Mais elle ne se dirige nulle part de bien définie.

- C'est pour cette raison que ces suicides sont montrés comme des actes d'amour ? Ces gens qui sont au bord du précipice, se regroupent car ils partagent cette même détresse. Elle font chose, acte commun : mourir ensemble à défaut de vivre ensemble.

- Encore plus loin, Sono traduit son message brillamment dans son intrigue. Démontrant à quel point, la consommation de masse est dirigée, paramétrée. En l'espèce, il s'agit d'un groupe de j-pop qui sont en fait un des nombreux liens possible entre tous les suicides, le groupe incarne cette perversion, l?idolâtrie des groupes de musique. Ce dernier cache donc un code à travers ses posters ou pochettes de cd afin de réunir ses ' fans '
C'est difficile à explique l'effet, mais c'est génial.

Il est attendu que pour un film qui serait parfait, les acteurs m'ont tous paru excellents.

Enfin, selon moi, le cinéma doit pouvoir nous projeter. Nous émouvoir. Nous faire réfléchir. Et aussi nous idéaliser.

Force est de constater que Suicide Club cristallise à ce jour ma plus belle rencontre de cinéma. Chaos d'émotions, d'une beauté à damner l'âme d'un Vermeer, oeuvre engagée, cérébrale et sensorielle, ce sera parfait. Pour moi.

10/10
HARM0NIA
10
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Créée

le 12 janv. 2013

Critique lue 1.6K fois

20 j'aime

HARM0NIA

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