Je me rends compte en venant écrire ma critique que Still Alice n'est pas un biopic, mais un drame. Que faut-il en conclure ? Attendre ce film, voir ce film, quitter ce film sans se rendre compte de son erreur plus tôt relève de l'anecdote, mais je réalise aussi que c'est une réflexion lourde de sens. Titrant dans son rôle principal Julianne Moore en femme atteinte de la maladie d'Alzheimer, rôle pour laquelle elle fut récompensée aux Oscars, il faut dire en effet que le film navigue surtout dans les eaux du biopic, dont elle copie les codes, et qu'à mon sens il n'a que de dramatique son thème. Explications.
Aujourd'hui, un biopic, soit c'est un Oscar, soit c'est un chômeur.
Comme le dit si bien Alain Soral, le biopic a de fâcheuses tendances, ces dernières années, à n'être qu'un genre utilisé pour glaner quelques statuettes chaque année. Ou au moins quelques nominations: si l'on regarde cette année, on n'en compte pas moins de 4 avec Imitation Game, Selma, Une Merveilleuse Histoire du Temps et American Sniper. A croire que les Oscars, à trop vouloir élire un meilleur film, ont fait naître une élite, un nouveau genre académique: les films à Oscars. Catégorie avec laquelle Still Alice a de nombreuses similitudes, faute d'avoir été nominé pour le Meilleur Film.
On retrouve en effet cette structure du biopic classique qu'il y avait également dans Une Merveilleuse Histoire du Temps: situation initiale, dégradation à cause d'une maladie (dans UMHT, la maladie de Charcot; ici, Alzheimer), héroïsation du personnage principal et enfin une conférence à la fin, ou alors tout simplement un moyen de s'exprimer, d'offrir au personnage l'occasion de dérouler un monologue qui tire trop souvent vers le pathos. Dans UMHT, cette structure avait le mérite d'être cachée par le rôle important joué par la femme du personnage principal. Dans Still Alice, tout repose sur le personnage de Julianne Moore.
Néanmoins, on sent que ce classicisme est assumé, et on reste loin de l'escroquerie que pouvait être Imitation Game, par exemple. Même si tout est dirigé, comme je l'ai dit, vers le personnage principal, les personnages secondaires apportent eux aussi quelque chose au film, nuançant le ton soit négatif, soit positif du film. Car soyons clair: je respecte les personnes atteintes d'Alzheimer, tout comme je respecte l'intention de ce film, qui ne rend du coup pas hommage à une personnalité mais à toutes les victimes de cette maladie. Ce que je respecte moins, c'est la manière dont est exprimé cet hommage: l'annonce d'Alzheimer le pousse vers le drame, mais hormis les rares prises de bec qu'aura le personnage de Julianne Moore avec sa famille, le reste du film connotera en majorité positivement.
Alors, oui, je comprends, le message n'est pas qu'un hommage, c'est aussi un encouragement plein d'espoir. Néanmoins, je trouve que ce message (et c'est encore une fois uniquement à titre artistique que je parle) reste assez classique, et qu'il y aurait peut-être eu quelque chose de meilleur à faire. D'où le deuxième gros défaut du film: son manque d'ambition. Que ce soit dans la réalisation, ou dans la mise en scène, ou même dans la réflexion sur l'identité que peuvent apporter les dialogues, notamment sur la fin, j'ai eu, en sortant de la salle, un clair sentiment de frustration, par rapport au fait que beaucoup de choses n'ont pas été exploitées à fond.
Still Alice propose toutefois des choses nouvelles, comme Kristen Stewart avec des émotions sur le visage (si si !). Je ne peux pas ne pas évoquer Julianne Moore, qui incarne parfaitement son rôle, même si sa performance reste à des lieues de celle d'Eddie Redmayne dans UMHT (ou même de celle de Rosamund Pike pour Gone Girl, à qui elle a ravi l'Oscar de la Meilleure Actrice). Comme je l'ai dit, la performance des acteurs secondaires, tel qu'Alex Baldwin, est convaincante car sincère.
Au final, je dirais que le film est presque juste, s'il n'était pas étouffé dans un enrobage de mielleries. Malgré son classicisme vu et revu, le message est bel et bien transmis, et c'était sans doute le principal objectif de Still Alice. On restera cependant sur notre faim quant au manque d'originalité du film, qui obtient sa mention "passable" sans briller.