N’ayant été que très récemment converti à la force (comprendre que je n’ai jamais été fan dans mon enfance), Le Réveil de la Force m’était apparu comme un très solide divertissement, jouant habilement avec la mémoire collective de plusieurs générations tout en invitant les nouvelles à se plonger dans l’univers Star Wars. Contrairement à beaucoup de fans de la saga, sa proximité avec l’histoire originelle n’avait pas gêné outre mesure le profane que je suis.


Les Derniers Jedi suscitaient donc beaucoup d’interrogations sur la direction que prendrait Rian Johnson. Continuité ou rupture ? Le principal écueil de ce nouvel opus est justement que cette question est omniprésente dans le film sans vraiment obtenir de réponse claire.


On voit clairement les efforts du réalisateur pour éviter à tout prix ce sentiment de redite. Les derniers Jedi doit surprendre, coûte que coûte. Le scénario brise certaines pistes que Le Réveil de la Force avait minutieusement construites, balaie des théories par des twists parfois brutaux, parfois amusants, mais qui n’échappent pas à ce sentiment de tergiverser entre la volonté de ne pas aller là où on l’attend et le nécessaire respect des codes Star Wars. Le résultat est par conséquent bancal, cédant parfois à la facilité et à un humour poussif qui annihile le peu d’émotion que Les derniers Jedi aurait pu provoquer. De grandes batailles homériques alternent avec des passages plus laborieux. Ainsi l’intrigue suivant directement la pourtant très prometteuse scène finale du Réveil de la force et qui voit un Luke cynique et résigné hésiter à transmettre son savoir à Rey est faussement audacieuse, longue et peu spectaculaire. On s’ennuie. Cette même impression de passer à côté de son sujet vaut pour la mission (déjà un peu tirée par les cheveux) de Finn et Rose sur Canto Bight, l’île Casino.
Une grande frustration nait de la superficialité avec laquelle le scénario présente le bestiaire, pourtant d’une richesse incroyable, brièvement aperçu sur Canto Bright. Le sel de la saga était aussi de nous plonger en quelques instants dans des univers immédiatement identifiables, en particulier ses ambiances de tripots sordides où se côtoie toute la lie de l’univers.
D’une manière plus générale, Les Derniers Jedi souffre d’intrigues à la fois trop nombreuses et développées avec trop de légèreté dont les va-et-vient à l’écran souvent abruptes donnent une impression de lourdeur, la faute à un montage peu inspiré.
Heureusement, la plupart de scènes de combats, sans rien révolutionner, sont à la hauteur des attentes. Le baroud d’honneur de la rébellion s’avère être un acte héroïque marquant et la bataille finale est esthétiquement et symboliquement d’une puissance qui rehausse le tout. Cette planète de sel et de terre ocre où se déroule le dernier combat est d’une beauté absolue et son esthétique très sûre confère à la scène quelque chose de mémorable.
Malgré cela, Les Derniers Jedi nous laisse un sentiment mitigé. Certes, la volonté de développer une nouvelle mythologie est louable, mais l’initiative souffre de deux maux trop visibles. D’une part le trait tiré sur les icones passées est d’une grande radicalité et révèle surtout un manque de cohérence et de logique vis-à-vis de tout ce qui a été déjà raconté. D’autre part, et c’est le plus dommageable, le développement des personnages sensés prendre la relève des mythes stagne dangereusement. Rey n’en sait pas beaucoup plus sur ce qu’elle est ou ce qu’elle cherche, Finn s’embourbe dans une histoire sans intérêt et Poe n’existe que comme faire-valoir de la princesse Leia. Seul Ben Solo / Kylo Ren tire un peu son épingle du jeu. Mais c’est aussi parce que son statut est connu et encore, son parcours psychologique n’est pas présenté avec une grande finesse, c’est le moins que l’on puisse dire. S’il demeure le personnage le plus intéressant de cette nouvelle trilogie, c’est aussi grâce à la performance de Adam Driver, qui parvient à lui donner un certain relief. On attendait ainsi beaucoup de l’évolution de sa relation avec Rey, qu’on devine essentielle dans le récit, mais elle tourne en rond, chacun jonglant artificiellement entre les deux côtés de la Force. Et cette idée du champ contre champ pour matérialiser la façon dont ils communiquent est aussi cheapouille et déroutante que l’action en mode Superman de Leia…
Les Derniers Jedi pâtit d’un réel manque d’envergure, de noirceur et de trop de maladresses pour en faire l’épisode clé de cette nouvelle trilogie. Si la radicalité du changement de vision n’est pas en soi à blâmer, c’est le manque de matière et d’idées dans les nouveaux enjeux qui laissent perplexes. Et la mort de Carrie Fisher ne doit pas arranger la production, qui semblait vouloir faire du Réveil de la Force le film de Han Solo, Les Derniers Jedi celui de Luke et la conclusion celui de Leïa.
Vu l’indécision qui a visiblement fortement marqué Les Derniers Jedi, on peut légitimement avoir quelques doutes sur la consistance du grand final annoncé pour dans deux ans. Mais on ne demande qu’à être surpris. Positivement.

Créée

le 27 déc. 2017

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