La sortie d’un nouveau Star Wars est toujours un évènement particulier, même pour ceux qui ne font pas partie des aficionados de la saga. Après Un Réveil de la Force bancal, un peu trop englué dans un fan service serviable, le nouvel opus de Rian Johnson sonne le glas d’une franchise qui souhaite repartir de zéro dans le but d’éveiller une ère nouvelle.


Tout a été dit et disséqué sur Les Derniers Jedi mais une chose frappe dans ce dernier épisode, c’est l’incorporation de la thématique du passé. Même si l’œuvre de J.J Abrams initiait cette notion avec notamment les scènes entre Kylo Ren et Han Solo, Les Derniers Jedi a cette qualité de se servir du passé comme point d’appui narratif pour faire avancer son récit, tout en voulant le détruire de l’intérieur pour faire table rase.


Il n’y a qu’à voir le traitement fait sur Han Solo durant le Réveil de la Force où il n’est qu’un fantôme du passé, une marionnette qu’on fait bouger pour plaire au plus grand nombre et faire jouer la fibre sentimentale pendant que Luke Skywalker s’avère réellement écrit et important dans la genèse de l’intrigue durant Les Derniers Jedi. J.J. Abrams était un élève appliqué, un peu comme e premier de la classe qui se met au premier rang et qui lève la main à chaque interrogation pour nous bassiner avec toute sa culture. Rian Johnson, lui, est plus humble, moins scolaire. Son film, parfois bancal, qui multiplie les trames un peu dans le vide, au rythme en dent de scie et à la réalisation plus classique voire moins intrépide, donne vie à des personnages qui s’amplifient et qui se construisent.


C’est la chose qu’on retient le plus de ces deux nouveaux opus : un Star Wars qui créent des personnages, comme Rey et Kylo, une jeunesse du néant qui prend le pouvoir. Une jeunesse qui subit son propre héritage, voire son absence même d’héritage, et qui veut détruire pour mieux construire. Une loi du chaos comme en atteste le personnage de Kylo Ren, qui est tout simplement magistral : à la fois dans l’écriture mais aussi dans son incarnation, avec un Adam Driver au sommet. Du personnage qui casse tout comme un enfant à qui on aurait volé son jouet, il est devenu un adulte sombre, en proie au doute, proche d’un nihilisme sauvage et vengeur. La noblesse ou la grandeur du passé n’est pas un vecteur important : il veut tout effacer par la mort ou le sang.


A travers le trio Luke/Rey/Kylo qui module le récit, Les Derniers Jedi élève deux envies : défaire le mythe de la saga ou en construire un autre tout en perpétuant l’ancien. Sans comparer l’incomparable, le film de Rian Johnson fait penser à des films comme Alien Covenant ou même Batman Vs Superman : ces films malades, décriés, aux thématiques fascinantes mais au scénario parfois vacillant, mais iconique et noir comme de l’encre qui à l’image du personnage de Kylo Ren, veulent se débarrasser et cracher sur la légende, avec ce sentiment de souffre et cette haine d’un monde avec lequel ils cohabitent.


Croire que Kylo Ren veut devenir le nouveau Vador est une erreur : non, il veut construire quelque chose de nouveau, ne rendre aucun compte au vestige d’un passé qui a voulu le tuer. Avec ces multiples intrigues, ces péripéties à l’intérêt divergent mais aux thématiques foisonnantes (le passé, l’héroïsme, le sacrifice, la guerre), ces scènes d’actions prenantes, Rian Johnson réussit à donner un nouveau visage à une saga dont les rides étaient de plus en plus ancrées sur la peau.

Velvetman
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le 18 déc. 2017

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