Ogive marketing implacable demande autorisation d’atterrir

Chapeau bas tout d'abord à Disney pour ce magnifique produit de la société industrielle, une ogive bien plus puissante que le laser de l'étoile de la mort qui anéantit jadis les foyers rebelles d'Alderaan. Ne nous fions pas aux apparences, on est de moins en moins dans une galaxie lointaine, très lointaine où les frontières étaient bien poreuses, entre bien et mal, hommes et espèces les plus incongrues, stoïcisme et rhétorique, devoir familial et devoir citoyen, raison et émotion, kitch et grandiloquent. Le retour sur terre, après plus de deux heures où l'on a pas le temps de s'ennuyer (contradiction ?) est brutal. Ça y est, c'est le gars qui va nous faire le coup de la critique moralisante du blockbuster, de la société capitaliste dans son ensemble, de son projet de prostitution de la terre entière en produit consommable... Peut être même qu'on aura le droit au « c'était mieux avant » (rien de mieux que Star Wars pour cela).


Bah alors, mon gars, t'as pas compris que Star Wars, c'est une bombe marketing, une arme de guerre, passée de la bombe au plutonium à la bombe à hydrogène depuis son rachat par Disney ? Non, il n'y avait pas de doute, Disney foutant en prison la personne coupable de la moindre divulgation. Peut être le scénario que tout le monde dit facile ? Non, même pas, j'entendais dire qu'ils ne s'étaient pas foulés, qu'il est plus que banal, mais le scénario de tous les épisodes (ou presque) est simplissime (ou presque). Le jeu des acteurs ? Il paraît que le nouveau Vador a un costume trop grand pour lui, que l'on est allé recherché Leïa et Solo, que la petite Rey est un peu fade. Non, non plus, je ne le trouve pas mauvais avec sa voix grave, son visage inquiétant, et la mise en scène autour de son masque (le bruit quand il le revêt et le retire, la manière dont cela est mis en scène) ; Leïa est peut être même un peu moins fade que dans les autres épisodes, et notre bandit au grand cœur fidèle à lui-même quoique peut être moins sûr de lui (on est loin du magnifique « je sais » après la déclaration d'amour de Leïa), plus sage et conscient du danger (rentré dans le rang quoi), ce qui semble normal trente ans après. Je ne parle même pas – mais quand même - de Poe, le pilote de la résistance, joué par Oscar Isaac, rôle qui lui sied à merveille. Ce serait quand même pas le spectacle, la 3D peut être ? Non, définitivement non ; je n'y connais pas grand chose mais la 3D me semble très bien utilisée, avec parcimonie, impressionnante lors des scènes de combats aériens. Le spectacle est incroyable (si l'on excepte les combats au sabre laser, bien que le protège-poignets des Sith soit une belle trouvaille), le début du film redoutable, l'hymne, évidemment, et les premières minutes, très très fortes.


Reprenons, oui Disney, oui la superproduction la plus médiatisée (donc attendue) qui n'ait jamais existé. Et alors ? - vous répondrais-je si vous me posiez la question, si je n'était donc pas face à mon ordinateur à poser des questions rhétoriques pour donner vie à mon texte - depuis quand le temple du capitalisme qu'est Hollywood, ce distributeur de biens culturels à la chaîne n'est-il pas capable de faire d'un blockbuster quelque chose d'intelligent, de travaillé, de nuancé ou, à tout le moins, de surprenant ? Ce qui me paraît catastrophique, c'est la pauvreté de ce que donne le film à penser, et le pillage de TOUT, mais je dis bien de TOUT ce qui s'est fait dans les anciens épisodes, sans la moindre créativité ou nouveauté, sans lever la tête, en fonçant.


Parler de « donner à penser », ce n'est pas dire que Star Wars, c'était mieux hier et encore davantage avant-hier, mais que (previously, donc) les choses n'étaient pas si claires. Prenons le passage d'Anakin vers le mal, il se fait non par plaisir de commettre le mal, mais parce que le « régime » jedi lui interdit d'avoir des sentiments, d'être un homme en somme. Le Jedi est un être de raison, un stoïcien qui voue sa vie à la protection de l’État et qui doit accepter que tout ce qui doit se produire se produira, qu'il y a des choses sur lesquelles on ne peut avoir prise (la mort, par exemple). Or, c'est à trop vouloir le bien qu'Anakin devient Vador, il le dit très bien à Padmée, il veut être jedi pour que plus personne ne meurt, c'est pourquoi il pactise avec Palpatine après, encore faut-il le rappeler, que maître Windou ait voulu enfreindre l'ordre jedi en tuant un Palpatine désarmé. Son équivalent, dont il est vrai, on ne sait que peu de choses, a bien pâle figure. Kylo Ren, c'est son blase, est méchant, juste méchant, on suppose que lui même ne sait pas pourquoi... Quand il croise son père, attention... Il va feindre le retour du bon côté pour le piéger (ouahou, on le voyait arriver à des kilomètres et la scène est ridicule). Cette précipitation pour faire du film uniquement un grand spectacle se fait aux dépens de toute réflexion, la plus mince qu'elle soit. Se perdent ou du moins s'égarent ce qui faisait de la saga un mythe : la question familiale comme celle de la force est bâclée, la fresque biologique des espèces et la diversité des planètes de Star Wars ne sont pas augmentées, on retrouve la lecture prophétique traumatisante que permet la force avec Rey mais de manière décevante... Aussi, les choses prenaient le temps de se mettre en place, en témoigne la formation des Jedi (y compris dans la prélogie tant décriée). Anakin (comme Luke) ne joue pas de la force et encore moins du sabre du jour au lendemain, ou en se disant, combattant un apprenti Sith déjà très puissant : « ah, c'est vrai, j'avais oublié que j'avais la force », ce qui suffit à le terrasser – certes, affaibli - ceci sans jamais l'avoir manié auparavant (!). L'énumération, quant à la reprise des thèmes, serait presque sans fin (mention spéciale quand même à l'épisode 4, le plus copié, en raison de sa position similaire à ce nouvel opus), de manière plus ou moins bonne. Pensons à Rey, qui récupère des bouts de ferraille d'épaves dans le désert pour les vendre à un immonde commerçant comme Anakin dans le magasin de Watto. Cependant, tandis que l'un doit se séparer de sa mère, l'autre n'a rien à quitter, et pourtant hésite après s'être réjouie de la proposition de Han Solo (exactement dans le même ordre qu'Anakin dans l'épisode 1, lorsqu'il s'apprête à partie en formation). Pensons à Han Solo, qui a toujours d'autres contrebandiers qu'il a entubé à ses trousses, pour une reprise plus en forme de clin d’œil et cette fois, davantage réussie. Je vous épargne le pire, qui est peut être lorsque Snoke ordonne d'aller récupérer Kylo Ren blessé (Anakin/Sidious).


Pour le reste, ne vous inquiétez pas, les quotas ont été respectés, un noir ancien Stormtrooper et une femme – disposant de la force de surcroît (!) - parmi les personnages principaux. De même, vous y retrouverez les clins d’œil qui vous rappellerons que vous faites parmi de la « famille » Star Wars, du séjour dans le bar à l'étranglement par la seule force de Sith en passant par le sabre retrouvé d'Anakin que Luke avait perdu sur Bespin. La liste n'est pas exhaustive, elle est interminable, c'est là qu'il manque quelque chose. On est plus que dans le déjà-vu, c'est le film de 1977 en 2.0 ; reste que la machine est implacable, vivement le prochain épisode, que Luke, en bon stoïcien retiré des affaires politiques (continuité intéressante avec Yoda et Obi-Wan), enseigne à Rey le maniement de la force, que l'on découvre d'où vient Snoke (qui n'a, pour l'instant, pas beaucoup d'allure) ou que la nouvelle équipe du Faucon Millenium nous fasse voyager dans la galaxie... Implacable, je vous dis.

simon_t_
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le 13 janv. 2016

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