Je suis convaincu que voir l'ouverture de son 7ème Star Wars à chaque fois à l'époque de sa sortie (et oui, chers petits enfants, c'est un vieux rédacteur qui écrit - d'ailleurs c'est amusant de me souvenir avec autant de précision des salles et des villes dans lesquelles j'ai vu les épisodes IV -qui ne s'appelait d'ailleurs ni IV ni "dernier espoir" lors de sa première exploitation en salle- V et VI, lorsque j'avais 9, 12 et 15 ans) confère un surplus d'émotion au moment de l'apparition du logo mythique accompagné de la musique de ce bon vieux John Williams. Le fait d'avoir vu certains épisodes plus d'une trentaine de fois n'y change rien: c'est l'émotion de chaque première en salle qui fonctionne, et les déceptions de la prélogie n'ont pas altéré le frisson immanquable.


L'anecdote de la douce éviction de George Lucas portait en elle les espoirs et les craintes du projet. Et autant dire que l'un et l'autre sont globalement au rendez-vous. Exit les atermoiements inutiles et dispendieux de papa Lucas, qui peu à peu semble avoir inexorablement perdu le fil vital de sa propre création, qui aurait voulu semble-t-il axer son récit sur les doutes d'adolescents boutonneux peinant à gérer leurs frustrations sexuelles. On ne peut que se dire que la chose semble salutaire. Mais la crainte du fan-service éhonté pointait, et force est (expression très à propos) de constater qu'on ne s'inquiétait pas totalement pour rien.


Pourtant, le travail de JJ Abrams n'était au fond pas si compliqué que ça: en reprenant les personnages 32 ans après les avoir quitté, et équipé d'un background émotionnel imparable (décors, musique, vaisseaux), l'accueil du public, invité très naturellement à faire l'impasse polie sur les épisodes I, II et III, ne pouvait qu'être bienveillant, plongeant dans un bain nostalgique et chaleureux. Dans ce contexte, l'impression d'assister à un New Hope Remastered (ou un Star Wars Relaoded, si vous préférez) est finalement assez déceptif. Les clins d'yeux appuyés à la trilogie originelle sont d'autant plus inutiles (dans une telle proportion, j'entends) que ce sont finalement les (rares) avancée réelles du récit qui font totalement mouche ici: la confrontation entre Kylo Ren (dont je n'aime décidément pas le muppet-gonzo look du casque) et Han, ou les quelques plans finaux, qui sont suffisamment forts pour ne pas tant appuyer par ailleurs les madeleines Proustiennes.


L'absence absolue d'audace scénaristique fait du coup ressortir les milles-et-unes incohérences sur lesquelles nous nous serions fait un plaisir de faire l'impasse en d'autres circonstances. Les concepteurs du récit ont visiblement de gros problèmes avec le timing et les distances. Et encore une fois, il suffit de tomber sur une planète pour se retrouver à côté de la personne que l'on cherche (me rappelant furieusement une nouvelle hilarante de Robert Sheckley- comme si un extraterrestre tombait à coup sûr sur sa soeur planquée à Roquefort-La-Bédoule-), et ce qui se faisait en un film entier en 1983 se résout en un quart d'heure ici. Ce n'aurait pas été grave, pas plus que l'absence de formation nécessaire à nos personnages pour maitriser une force que d'autres mettaient trois films à acquérir (d'autant qu'on avait pas forcément envie de repasser par toutes ces étapes…). On était même même prêts à tirer un trait sur l'absence d'explication logique de l'apparition du nouvel ordre et de ses représentants, parfois un poil trop numériques.


Mais pour pleinement emporter la partie, il fallait sans doute une légère prise de risque de la part de ses auteurs, garantis par ailleurs en produits dérivés du retour sur investissement de leur travail. Pour vous dire si j'étais confiant et enthousiaste, prévenu que la séance devait être costumée, je m'étais rendu sur place armé de mon sabre Luke Skywalker. Finalement, j'étais bien le seul quidam a brader un accessoire SW dans la queue, et fort heureusement mes fils m'ont soutenus dans cette difficile épreuve, et ce léger revers était un peu à l'image de ma douce déception devant le film, qui comporte pourtant son lot de scènes réjouissantes.
Mais je dois vous laisser. Ayant vu le film en V.O. avec mes plus grands hier soir (jour de première sortie mondiale) je dois maintenant y retourner pour le revoir avec mon petit dernier, qui ne maitrise pas encore assez la langue de Shakespeare, pour le redécouvrir en V.F.
Un père, c'est comme un personnage: on ne vieillit pas impunément.
Tout ceci ne me dit rien qui vaille…

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le 17 déc. 2015

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guyness

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