Revenu aux commandes pour une nouvelle opération de sauvetage, Abrams n’aura déjà plus à tuer le père, puisque son prédécesseur s’en est chargé en confondant invention et destruction. Mais aujourd’hui, on se demande s’il y a encore quelque chose à dire, à l’heure où l’on vend le nouveau film comme le dernier, alors que la saga s’est terminée pour les plus lucides avant le troisième volet, qui était déjà une répétition des deux premiers. On se demande aussi s’il y a encore quelque chose à faire, de cet univers contraint par un cahier des charges aux objectifs mercantiles, quand les plus aveugles contribuent à créer une véritable ornière créative, en se surexcitant sur des détails comme le « Child » de The mandalorian. D’ailleurs, Abrams n’a rien fait pour rassurer, même si on sait les contraintes des discours promotionnels, car quand il parle d’audace ou de liberté, il dit aussi qu’il a tenté cette fois ce qu’il n’avait pas osé avant, en prétendant que « Rian m’a aidé à me souvenir que c’est pour ça qu’on fait ces films… » S’agissait-il de justifier ce qu’il convient d’appeler un raclage de fonds de tiroir, autrement dit le retour de la Death Star et de Tatooine, puisque l’univers infini ne l’est pas tant que ça dans l’imagination des scénaristes ? Ou s’agissait-il d’expliquer ce qu’il convient de considérer comme une convocation de l’arrière-ban, autrement dit le retour de Lando et de Palpatine, puisque l’homme à la capuche est déjà revenu du royaume des morts dans l’univers des bédés ?


Kylo Ren fait reconstruire son masque et se remet à admirer celui de Vader, comme Abrams cherche à revenir aux bases sous les ruines fumantes de l’Episode VIII, dans une double opération de récupération et de séduction avec beaucoup d’action. Ainsi donc, Rey n’est plus la fille de personne mais de Palpatine, car ses parents avaient voulu devenir personne, et cette explication suffira bien à rendre la livraison de Rian rétro-compatible. Quant à Leia, elle est en fait un maître jedi, ce qui est une manière de capitaliser sur la façon dont elle s’était sauvée la dernière fois, et surtout une bonne raison de recopier l’entraînement sur Dagobah en abusant des câbles. Autrement, la stratégie de Palpatine repose sur le clonage comme dans l’Episode II, il veut faire craquer le Jedi devant la bataille comme dans l’Episode VI, etc. Et du côté des nouveautés, hormis l’inclusion d’un couple féminin qui s’embrasse, il est préférable d’oublier ce que sont finalement les chevaliers de Ren ou Hux, voire cette idée de « dyade » qui vaut bien celle de « vergence », pour se contenter d’apprendre qu’un souvenir est l’égal d’un « Force ghost », ou que la Force permet de transférer l’énergie vitale, ce qui n’explique pas pourquoi tous les Jedi sont morts jusque-là, mais pourquoi Rey ne l’est pas et se déclare une Skywalker. Avec ses couleurs froides, les tics connus du réalisateur et les facilités attendues du compositeur, cet épilogue dans l’épilogue fait l’effet d'une fin de vie, et la tournée des popotes qui le conclut ramène à la « special edition » inutile d’un Retour du Jedi pas très utile, mais bien plus agréable.


Pour public averti (et qui va au cinéma comme au fast-food, pour avoir encore faim deux heures après) : Star Wars: Episode IX – The rise of Skywalker (2019) de J.J. Abrams (qui est aussi producteur, sachant que les producteurs ont tendance à remplacer les réalisateurs ou à les faire remplacer, dans cet univers qui porte le nom de Disney), avec Daisy Ridley (qui, comme d’autres avant elle, a encore le rôle principal parce qu’elle l’a eu la première fois et qu’on confond désormais rôle et acteur) et tous les vieux de la vieille y compris Harrison (dont Carrie Fisher, parce qu’Abrams a dit qu’il ne la récréerait pas numériquement, non qu’il ne recyclerait pas des rushes de son épisode VII)


Avis publié pour la première fois sur AstéroFulgure

Adelme
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le 18 déc. 2019

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