J'ai profité d'une petite virée en Suisse pour découvrir ce 13e long métrage Star Trek, quelques jours avant sa sortie dans l'Hexagone. Cette Saga fait assurément partie de ces franchises qui ont suffisamment marqué les esprits pour qu'on puisse se les approprier intimement. Après tout, les trekkies sont loin d'être une communauté aussi homogène qu'on pourrait le penser. Pour ma part, j'ai été surtout été biberonné aux séries télé (Voyager, TGN et Enterprise), dignes héritières du travail de Gene Roddenberry. Ce qui me plaît tant dans ST, c'est ce savoureux cocktail entre de l'exploration, de l'imaginaire, d'habiles reflets de certaines thématiques sociales et cette pointe de diplomatie toujours bien venue.


Quant à cette nouvelle ère, je dirais que j'ai plutôt bien aimé le premier Star Trek de J. J. Abrams. Un bon "Cheval de Troie" bien calibré pour attirer un plus large public et ainsi effacer cette image de "films pour nerd" qui lui collait un peu trop à la peau. Le film nous a offert un bon dépoussiérage formel adossé à un sympathique nouveau casting ayant eu le droit à un très beau passage de relais de la part des "vétérans". Avec Star Trek Into Darkness, par contre, le courant est beaucoup moins passé. La faute à une surenchère d'actions et à un scénario qui avait du mal à conjuguer pleinement avec ses propos. J'attendais donc ce nouvel épisode au tournant, en espérant que Justin Lin et toute son équipe allaient pouvoir redresser la barre...


Star Trek : Sans limites démarre sous de très bons auspices avec une introduction efficace suivie d'une très bonne entrée dans le vif du sujet. Alors que l'USS Enterprise fait escale sur la station Yorkdown, fleuron de l'harmonie de la Fédération des planètes unies, le capitaine Kirk intercepte un message de détresse provenant d'un vaisseau non identifié. Il n'en faut pas plus pour amorcer une mission de sauvetage qui vont les amener par delà une nébuleuse inconnue. Mais c'est sans compter l'arrivée d'une nouvelle menace qui va mettre le vaisseau et son équipage en Position Latérale de Sécurité. Une partie d'entre eux seront capturés tandis que le reste devra se replier tant bien que mal sur la planète la plus proche. L'intrigue tourne donc naturellement autour de ce sauvetage-ception. Cette première partie, évidemment nerveuse, est un véritable plaisir pour la rétine. La petite raclée spatiale est soutenue par une réalisation offrant une bonne immersion dans l'action. Quelques fulgurances créatives viennent même apporter quelques points de vue inédits, toujours habilement employés pour gagner en lisibilité. On en prend presque plus dans la tronche que le premier film de JJ.


Ensuite, ça se gâte un peu et les déceptions ne cessent de s'enchainer... La nouvelle planète aurait par exemple pu être mieux exploitée pour proposer des phases d'exploration légèrement plus poussées et "contemplatives". D'autant que quelques plans nous montrent bien qu'il y a eu un vrai travail sur la faune et la flore locales. Il y a tout de même quelques rencontres avec de nouvelles races, mais cet aspect ne décolle pas vraiment. La faute à un problème global au niveau de l'épaisseur des nouveaux personnages rencontrés. Autant je suis plutôt fan de leur charadesign et du charisme qu'ils dégagent, autant je trouve qu'ils ne vivent réellement qu'au travers des scènes d'action. Dès que le rythme s'apaise enfin et qu'on s'intéresse à leur histoire, on a le droit à des itinéraires personnels assez creux.


La colonne vertébrale narrative est elle-même plutôt mince. La confrontation idéologique qui oppose les deux forces se résume à un échange de répliques insipides. Littéralement, "L'union fait la force" vs "L'union n'est pas votre force, mais votre faiblesse". Les motivations de Krall (Idriss Elba) sont ainsi réduites à néant jusqu'à l'arrivée d'un immonde twist censé redistribuer toutes les cartes. Son semblant de personnalité s'évapore totalement pour laisser place à un personnage plutôt manichéen issu du même moule que bons nombre de blockbusters actuels. Ils ont osé. (La Chancla) Je ne dis pas que les autres opus de la Saga présentaient une approche foncièrement plus subtile, mais ils avaient globalement le mérite d'être soutenus par une écriture légèrement plus solide qui enrobait beaucoup mieux toute la "naïveté" du discours humaniste distillé.


L'accent est donc davantage mis sur l'action, qui malheureusement devient un peu plus brouillonne, même si elle garde ses effets ludiques et divertissants, mais également sur l'humour. Un humour plutôt standard pour un blockbuster; c'est à dire plutôt lourd et irritant. Je ne compte plus les passages appuyés artificiellement pour pousser la salle à s'esclaffer. Plus dérangeant, j'ai eu l'impression qu'ils ont mis le cran supérieur dans le sacrifice de l'essence des personnages sur l'autel du LOL. Ainsi Spock, dont les amusantes saillies sont d'ordinaire animées par de subtils jeux de l'esprit, se voit affubler d'une blague pipi-caca et reste cantonné aux habituels - depuis l'ère JJ - moments de loufoqueries basées sur son inadaptation sociale. Et j'ose à peine aborder la manière ridicule avec laquelle Kirk parvient à neutraliser l'ennemi. Pour la faire courte et sans rien dévoiler, je dirais que les équipes de Marvel Studio ont certainement dû regretter de ne pas avoir eu cette idée plus tôt.


La conclusion du film, véritable ode à la nostalgie qui éveillera certainement quelques émotions chez les amateurs du genre, parait alors presque illégitime. C'était mieux avant ?


Je précise que mon avis transcende l'habituel clivage "bon film / mauvais Star Trek" et tous les joyeux dérivés qui vont avec. Je trouve tout simplement le film très perfectible sur le fond et, étant fan de la franchise, je suis encore plus déçu par cette proposition.


__


HS: Le titre fait référence au nom d'un épisode de la série Red Dwarf.


HS2 : Il n'empêche que je suis tout de même sorti de la séance le sourire aux lèvres...à l'idée d'admirer le feu d'artifice de la Fête nationale locale : la véritable raison de ma venue dans ces contrées helvétiques.

GigaHeartz
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le 2 août 2016

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GigaHeartz

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