Quatre petites filles ont voulu jouer...

Le temps de quelques minutes, "Spring Breakers" est bien ce qu'il paraît être, un gros délire bling bling et racoleur offrant aux spectateurs puceaux ce qu'ils sont venus chercher, du nichon, de la fesse qui frétille, de la binouze, de la came et du gros son qui déchire sa race. Si Harmony Korine reprend tous les codes de l'univers qu'il met en scène, c'est bien entendu pour mieux en pervertir le concept, accouchant brillamment d'un anti "Projet X", transformant petit à petit la vulgarité la plus crasse en pure poésie sous acide.


Aussi fascinant qu'il peut rebuter, "Spring Breakers" est avant tout une pure expérience cinématographique, rencontre pas si improbable que ça entre Roger Avary et Britney Spears, entre Gaspard Noé et MTV, entre Larry Clark et "Girls Gone Wild". Un long rêve éveillé aussi acidulé et bariolé dans sa forme que noirissime dans son fond, évocation d'un certain paradis perdu qui va rapidement virer à l'abstraction la plus totale.


A partir d'un travail monumental sur le son et le montage, Korine nous entraîne aux basques de quatre petites filles perdues finalement pas si innocentes que ça, mais sans jamais se permettre de juger leurs actes. En inscrivant son récit dans un cadre aussi particulier que le Spring Break, Korine met le doigt sur quelque chose, sur ce besoin que l'on a tous ressentit à un moment ou à un autre de notre existence, ce besoin viscéral de s'échapper de la réalité, de "mettre la vie sur pause" comme le dira une des héroines.


Là où l'on pourrait penser que le cinéaste jouerait à fond la carte du sexy en ce qui concerne ses jeunes muses, il n'en est rien, nous donnant au contraire la furieuse envie de rhabiller ces nymphettes partagées entre l'envie de s'éclater et une vie toute tracée, coincées le cul entre pur hédonisme et une société puritaine jusqu'à l'absurde.


D'un casting inattendu mais pertinent, Korine détournant les icônes mêmes de la jeunesse qu'il décrit, on retiendra principalement le numéro aussi magistral que suicidaire d'un James Franco grandiose, le mélange d'innocence et de luxure qui émane de Rachel Korine et surtout, le jeu étonnamment juste et touchant de Selena Gomez, malheureusement bien vite éliminée de l'équation. Personnellement, même si elles donnent de leur personne, j'ai eu plus de mal avec le numéro vite agaçant de biatch du duo Hudgens / Benson, la faute peut-être à leurs personnages plus proches de l'entité que de l'être humain.


Tout sauf une comédie déjantée à destination des jeunes couillons qui pullulaient dans la salle (spéciale dédicace au puceau à côté de moi qui braillait pendant tout le film), "Spring Breakers" est un pur concentré de cinéma qui ne plaira vraiment pas à tout le monde, voyage mélancolique et hypnotique aussi puissant qu'il pourra paraître complètement stérile, qui aura réussi l'exploit de me filer la chair de poule avec une chanson de Britney Spears.

Créée

le 4 févr. 2014

Modifiée

le 10 mars 2013

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Gand-Alf

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