Après avoir raflé une précieuse statuette aux Oscars, Spotlight confirme cette idée que le cinéma hollywoodien récompense avant tout les films qui caressent la réussite étasunienne. Exclusivement concentré sur l’enquête de la cellule Spotlight du Boston Globe, le film met en lumière la pugnacité de cette équipe pour révéler au public les nombreuses affaires de pédophilie étouffées par les autorités du clergé.


Spotlight est une ode au journalisme d’enquête. Bien plus qu'un film sur la dénonciation de la pédophilie au sein de l'église catholique, il met en scène une équipe de journaliste dans tout ce que la profession projette de prestigieux. L'abnégation de ces quatre mousquetaires de l'info pourfend le mensonge jusqu'au cabinet d'avocat le plus caparaçonné dans son secret professionnel. Méthodique, acharné, patient, chaque élément du groupe complète l'autre et l'osmose semble totale, jusqu'au sommet de la hiérarchie. Ici, on prône l'abandon dans le travail, expulsant du 35mm toute idée de famille, de loisir, de vie privée. Si le film propose de s'attaquer à tous les aspects de l’enquête, il garde une focale courte sur l'équipe d'investigateurs et laisse dans le flou plusieurs autres acteurs. Le point de vue du film se retrouve en partie faussé car le spectateur n'a accès qu'à une source. L'histoire se focalise sur la cellule d'investigation, ses méthodes et quelques victimes. On assiste aux fondations de l’enquête, Mac Carthy refusant de gratter les couches supérieures de l'édifice, occultant les sommets du clergé, des élus ou de la magistrature. On aurait aimé rencontrer ces personnes et leurs luttes de conscience.


S'il y a bien un point sur lequel le film est inattaquable, c'est sa distribution. Le casting est brillant, les acteurs proposant des interprétations crédibles sans recourir à des artifices clinquants. Même Mickael Keaton, adepte du jeu grimaçant, se laisse séduire par une économie de moyen dont on le croyait plus capable depuis Birdman. Mac Carty assoie son film dans une réalité quasi documentaire qui donne encore plus de profondeur à la performance des comédiens.


Si les qualités du film sont indéniables, on ne peut excuser le manque d'ambition de mise en scène affiché par le réalisateur. En effet, le film souffre d'une caméra figée, atrophiée de la moindre idée de cinéma. Trop soucieux de présenter un projet proche du documentaire, Mac Carthy anesthésie lui-même ses velléités créatrice, s'enfermant dans un académisme qui paraît bien terne confronté à la prestation lumineuse de la bande à Keaton. Mais l'objectif de l'auteur n'était-il pas de consolider le tremplin aux Oscars en rabotant son film afin de gommer les aspérités qui pouvaient agacer l'académie ?


Spotlight propose une vision prestigieuse du journalisme d'investigation mais évite de proposer un angle de vision trop large. Comme les lettres de victimes que Robinson archive pour nourrir sa culpabilité plusieurs années plus tard, à l'image de ce 11 septembre, ouragan dans les rédactions, le journalisme est avant tout affaire de sensation. Par deux fois ces affaires de pédophilie ont été ajournées, reléguées au second plan par une actualité plus crépitante. Si les lois de la presse, comme celles d'Hollywood, sont impénétrables, elles sont loin d'être inviolables.

Alyson_Jensen
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le 3 mars 2016

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Alyson Jensen

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