Qui aurait cru qu'un film d'animation chapeauté par les auteurs de Tempête de Boulettes Géantes et La Grande Aventure LEGO s'avèrerait être la meilleure adaptation des aventures du Tisseur sur grand écran? Conscient que les spectateurs ont déjà eu droit à plusieurs long-métrages narrant les événements qui ont amené le timide Peter Parker à endosser le costume de l'Homme-Araignée, le Spider-Man : Into the Spider-Verse de Sony (traduit par l'incompréhensible et ridicule "New Generation" en France) évite l'écueil d'un énième récit centré sur les premiers pas de Peter dans le métier de super-héros : ce choix salutaire dispense le film de devoir à nouveau expliquer les bases sur lesquelles l'univers de Spider-Man repose, et notamment d'avoir à récapituler les origin stories des divers ennemis mortels que Spidey s'est faits au cours de sa carrière. Le gain de temps considérable engendré a permis à Miller et Lord de porter une attention toute particulière à l'écriture du personnage de Miles Morales, jeune Afro-Portorico-Américain qu'un concours de circonstances va amener à prendre la relève de Peter Parker. Beaucoup plus jeune que Peter, Miles évolue dans un monde très proche du nôtre mais qui s'en éloigne également sur un certain nombre de points : ce postulat d'une réalité parallèle à la nôtre permet à Miller et Lord de montrer l'amour inconditionnel qu'ils portent à la pop culture, qui se traduit à l'écran par des clins d’œil incessants à la culture populaire américaine contemporaine, dont certains sont absolument jouissifs (mention spéciale aux posters de The Weeknd et Chance The Rapper que l'on peut apercevoir respectivement sur des panneaux publicitaires dans Manhattan et dans la chambre de Miles... et qui font la promotion d'albums n'étant jamais sortis dans notre réalité!). Ces clins d'oeil témoignent de la volonté de Sony de proposer un film destiné à un public résolument jeune et biberonné à la "culture geek" : les multiples allusions volontaires aux différents memes ayant fleuri récemment sur la Toile, qui détournent de manière comique les planches des aventures les plus célèbres de l'Homme-Araignée, vont également dans ce sens, tout comme l'idée de faire tourner l'intrigue autour du concept de "multivers", relativement peu exploré dans les films de super-héros et surtout abordé dans les comics afin de pousser les fans à en acheter toujours plus ("oh mais attends, cinq Spider-Men dans un seul comics? J'avais dit que j'arrêtais d'en acheter pour ce mois-ci, mais là pas le choix, je crois bien que je vais craquer"...). Si cette idée aurait pu déboucher sur un produit purement commercial caressant les adorateurs les plus obsessionnels de l'Araignée dans le sens du poil en leur balançant du fan service en veux-tu en voilà, elle témoigne finalement d'un profond respect pour le matériel d'origine, qui est très souvent traité de manière fine et intelligente (même si on n'échappe malheureusement pas toujours à l'idée de "référence pour la référence" ni à l'insupportable manie de Sony pour le placement de produit) sans que cela n'empêche le film d'explorer des idées inabordées par les autres adaptations cinématographiques de Spider-Man. C'est en cela que Into the Spider-Verse réussit là où le Homecoming de Marvel avait partiellement échoué : le film parvient à se doter d'une identité propre, que ce soit narrativement donc (en parvenant notamment à trouver le juste équilibre entre respect de la continuité établie par les précédentes adaptations à l'écran et réappropriation personnelle des personnages des comics : le Caïd en est probablement l'exemple le plus édifiant en cela qu'il se rapproche de l'incarnation MCU de Vince d'Onofrio sans pour autant lui correspondre totalement), mais aussi visuellement (bien qu'il faille un certain temps pour s'adapter au style d'animation extrêmement saccadé, qui diffère des standards auxquels Pixar et Dreamworks ont habitué la plupart des spectateurs, on finit par être rapidement fasciné par la succession de dessins extrêmement stylisés, colorés et dynamiques que nous proposent les équipes de Sony Pictures Animation) et auditivement (la bande-son, très orientée hip-hop/R&B, diffère sensiblement de celle des films de Raimi et Webb ainsi que de celle de l'adaptation estampillée MCU... même si on restera en fin de compte dubitatif face à la plupart des chansons présentes dans le montage final). Il en résulte un produit dont le visionnage sera bien plus satisfaisant pour l'amateur de Spider-Man que celui des précédents efforts dévoués à l'Homme-Araignée ; quant à ceux qui ont simplement envie de voir un bon divertissement en famille, ils seront également comblés par ce long-métrage souvent drôle, visuellement audacieux et impeccablement doublé (il faut bien avouer que cela n'est guère étonnant quand on peut se permettre de recruter Chris Pine, Mahershala Ali, Zoe Kravitz et autres Nicolas Cage...).

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8
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le 2 janv. 2019

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Ewenn C.

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