Pourquoi je ne déteste plus les spider-man de Sam Raimi ?

Un peu de contexte, en 2002, date de sortie du 1er spider-man, on a un seul élément de comparaison : les deux chefs d'oeuvre de Tim Burton qui ont totalement imposé leur marque et leur style, difficile de s'en relever derrière, même si Schumacher a trouvé la parade en poussant tous les curseurs vers le nanar cosmique.


Comment filmer du super-héros, sans être rétrofuturiste, sombre, gothique, adulte, dépressif et caustique à la fois, dès lors ? Comment faire un film de super-héros sans musique orchestrale épique de Danny Elfman ?


Sam Raimi s'inscrit directement dans la démarche de Burton, et ce depuis Darkman son film le plus burtonien avec une pincée du Robocop de Verhoeven et de la Mouche de Cronenberg, tout y est en mode low cost mais tout à fait sympathique.


Dans le premier spider-man ça commence à piquer, parce que les couleurs deviennent pétantes (à l'exception des meilleures scènes du film dont l'ultime confrontation avec le bouffon vert dans un hangar en pleine pénombre avec une très belle photo, la séquence du baiser sous la pluie, ...), parce qu'on quitte un monde d'adulte ultra classe pour une sorte de teenage movie vaguement ringard qui assume totalement un côté soap, ce qui avait dû largement me rebuter, parce qu'on rentre dans un univers américain jusqu'au bout des ongles (la représentation sociale des trois films fait froid dans le dos, on est projeté dans un pur rêve macroniste jusqu'à la nausée), parce que la ville devient assez générique (même si les intérieurs sont cool, et qu'il reste ici ou là encore quelques éléments baroques, dont le manoir Osborne).


Les dialogues sont souvent impossibles de niaiserie (bordel rendez-nous les interactions entre Keaton Et Pfeiffer), et puis les acteurs bordel... C'était pas évident d'encadrer cette tête de con de Tobey Maguire (un festival invraisemblable de têtes de con et de grimaces grotesques avec un double menton et des yeux globuleux de peluche de mogwaï), ni le regard complètement éteint de Kirsten Dunst qui avait l'air à moitié shootée sur le tournage du premier.


Y a rien qui fonctionne dans leur romance du premier épisode, pas d'alchimie, pas d'émotion qui s'en dégage, c'est froid et vaguement ridicule. Et je ne préfère pas mentionner les infâmes oncle bens et Mamie Nova qui vont à intervalle régulier nous saouler avec leurs grandes phrases sur la responsabilité, blablabla, entre deux séquences relatives à leur crédit immobilier.


Bref, à cette époque, pour moi c'est impossible d'adhérer au bordel, cette série de films et le premier en tête, me paraît ridiculement honteuse en comparaison du seul modèle existant, les Batman de Burton. Alors évidemment quand on voit la gueule des blockbusters actuels, soit 20 ans plus tard, il y a de quoi sérieusement relativiser son jugement, et être plus équilibré.


Oui, parce qu'en fait, ça reste quoiqu'on en dise de vrais films, qui ont de la gueule. Raimi n'est pas un manche, et la mise en scène est régulièrement classieuse et originale. Je ne parle pas des scènes d'action auxquelles je trouve assez peu d'intérêt (on rentre vraiment dans le royaume des informaticiens, et je n'y vois que peu de poésie, à l'exception de quelques scènes qui rappellent beaucoup certains bons moments d'Evil Dead, et il faut avouer que ça tient toujours très bien l'épreuve du temps, un peu à l'image des premiers Jurassic Park et Men In black, les FX des deux premiers spider-man sont bluffants, je mets le troisième à part, parce que je trouve que ça devient singulièrement laid dans plusieurs séquences), je parle surtout de toutes ces séquences interstitielles, ces petits moments où par touches délicates on arrive à faire un peu vivre les personnages dans leur univers (ma scène préférée étant probablement la première scène où Parker suit MJ dans la rue depuis l'autre trottoir et découvre qu'elle a un copain, mais aussi toutes ces petites séquences en apparence anecdotiques mais qui apportent une certaine chaleur humaine, en particulier les saynètes avec Ursulla).


J'ai clairement ressenti un gain en maturité dans spider-man 2, j'ai commencé à adhérer aux personnages et aux acteurs que j'ai trouvés mieux dégrossis. Kirsten Dunst m'a paru bien moins paumée, de même pour Tobey, et j'ai trouvé que le côté soap fonctionnait beaucoup mieux grâce à la mise en scène élégante, et à des ruptures brutales qui cassent le ronron inévitable des "je te fuis, tu me suis".


Cette dimension soap devient même un atout, elle vient renforcer le récit et ses personnages, créer un attachement, apporter une dynamique de récit, sortir du cadre exclusif des bagarres interminables et irréelles, elle apporte même un premier degré qui renforce l'immersion dans l'univers (alors qu'aujourd'hui toute cette dimension n'existe plus dans les films de superhéros, ne restent que les bagarres et des personnages vides qui balancent des vannes, ce qui les rend totalement informes).


J'ai retourné ma veste sur le soap le jour où j'ai découvert la série Twin Peaks. Ce qui est fou dans cette série, c'est qu'on est à la fois dans un trip ultra lunaire impossible à étiqueter, et en même temps on est régulièrement dans les feux de l'amour avec une emphase sur les sentiments amoureux, où intervient toujours une musique magnifique mais ultra redondante de Badalamenti pour des scènes se répétant en boucle. Et j'avais été pris, j'avais admis, parce qu'on ne se contentait pas du soap, celui-ci s'agrégeant à un récit qui le dépasse, ce qui apporte une richesse supplémentaire, quelque part une âme.


Les personnages se complexifient, se densifient, voient leurs aspirations évoluer, se contredire, et c'est finalement assez poussé dans cette trilogie. Ca part un peu dans tous les sens, Parker change d'idée toutes les 5 minutes (mais ça fonctionne parce que c'est cohérent avec sa situation bordélique à souhait et psychologiquement intenable), de sorte que j'ai trouvé les films assez imprévisibles dans leurs cheminements.


Et pour le troisième épisode, c'est la boucherie, tous les personnages sont littéralement centrifugés. Parker devient une sorte de gros fils de pute (et je trouve ça incroyablement jouissif), et ce, même avant d'être contaminé par la substance noirâtre.


Le type est une sorte de sous-merde, imbu de lui-même, qui part dans un trip égotique (et ça fonctionne parce que c'est cohérent, avec sa tête de con c'était tout à fait prévisible que le succès lui monte à la tête), sans la moindre empathie, complètement à côté de la plaque, qui humilie de la plus immonde des manières la pauvre MJ qui en parallèle en prend plein la gueule (elle se fait dégager lamentablement de son rôle de chanteuse dans un simili show Broadway, et à la limite de finir serveuse hooters dans des tripots malfamés).


Le perso de James Franco se fait démonter la gueule, à moitié défigurer et finalement achever, mais ça va, on va quand même finir bon copain.


Les méchants sont des bons bougres, l'un ne veut même pas emmerder spiderman, et juste payer les frais de sa fillette en phase terminale, et se fait atomiser par un accélérateur de particules, mais ce boloss de spidey qui déboule en mode "hey c'est moi le shérif de cette ville ! Je vais te niquer ta race", l'autre est un journaliste loser humilié par Peter Park imblairable en version emo, qui va perdre sa meuf et son job et se retrouver à la rue.


Ce truc est profondément fascinant et je dois dire plutôt grisant. Dommage que les bastons soient pour le coup assez dégueulasses (les fx prennent très chers, en particulier les passages hoverboard), que les méchants soient torchés à l'arrache, et que les bons sentiment reviennent par la petite porte.


Menfin, ça restait quand même du cinéma plutôt burné.

KingRabbit
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le 20 mars 2022

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