En 2002, grâce à Avi Arad, le train du succès du film de super héros est en marche. Et c'est au tour de Sony et Columbia de prétendre à leur part du gâteau de la galaxie des adaptations Marvel. Le tout au terme d'un imbroglio juridique marathon concernant les droits du personnage de Spider-Man, passés, au cours des années, de mains en mains, ou encore dans l'escarcelle de certains margoulins comme Roger Corman ou Menahem Golam.


La première surprise du film, et non des moindres, est l'identité du réalisateur choisi pour porter à l'écran les aventures de l'homme-araignée.


Il a en effet tout de l' outsider, Sam Raimi. Celui-ci ne figurait en effet sur aucun des radars des majors, qui lui préféraient, paraît-il, des noms comme Tim Burton, , David Fincher, Chris Columbus ou, plus étrange encore, Roland Emmerich. Pas plus que dans les articles des revues comme Variety.


Sam Raimi n'est encore à l'époque qu'un "petit réalisateur" de péloches d'horreur qui, avec Pour l'Amour du Jeu ou Intuitions, n'a pas vraiment réussi à se distinguer. Mais il a pour lui son inventivité et son amour immodéré du matériau. Ainsi qu'un film s'inscrivant déjà au carrefour du film noir et du comic book : Darkman. Une oeuvre folle, éperdue, énergique et sincère.


Ce sont cet amour, cette identité et cette énergie qui feront dire banco pour l'une des meilleures adaptations de comic books, encore aujourd'hui. Car c'est à Sam Raimi que l'on doit presque toutes les qualités de Spider-Man.


Et en premier lieu, son fabuleux pouvoir d'évocation et de synthèse de sa source papier, faisant clairement référence à la période John Romita et restituant, en forme de miracle, l'essence du mythe Spider-Man.


Un mythe qui nous a fait croire que nous sommes, finalement, tous un peu des Peter Parker. Un personnage pour lequel on éprouve de manière immédiate une empathie bienveillante et nostalgique. Sam Raimi revient donc aux origines de Peter pour introduire avec une incroyable fluidité son univers et ses relations avec ceux qui le peuplent. La richesse est donc de tous les instants, et plus particulièrement, bien sûr, dans son béguin quasi enfantin entretenu envers la jolie Mary Jane, girl next door dont on ne peut que s'éprendre puisqu'elle emprunte les traits de la sublime Kirsten Dunst. Son alchimie avec Tobey Maguire, à l'écran, est tout simplement magique.


Et c'est dans ce parti-pris que Sam Raimi fait mouche, hissant son oeuvre au panthéon. Car avant d'être un film de super-héros, Spider-Man est un film sur leurs alter ego civils. Il s'agit ici de dépeindre Peter Parker dans sa vie de tous les jours, dans ses difficultés, ses coups du sort, ses petits bonheurs, son entrée dans l'âge adulte et les hésitations de son coeur, avant les cabrioles et les aventures d'un super héros.


C'est Peter Parker qui est défini comme le moteur profondément humain du film, tout comme ses relations avec Tante May, Oncle Ben, Mary Jane, Harry et Norman Osborn, non la visibilité de Spider-Man, la fidélité à son costume de papier ou encore l'action frénétique dans laquelle il est entraîné.


Et le réalisateur ajoute à cette dynamique, dans un scénario jouant à fond sur le ressort du mystère nécessaire de l'identité secrète, le rapport au monde que constitue le personnage de Jonah Jameson, qui diabolise l'Araignée via son organe de presse, le Daily Buggle, ainsi que sa place dans la ville de New York, permettant à une double échelle, à Sam Raimi, d'ausculter le statut de héros dans une Amérique encore sous le choc du 11 septembre 2001.


L'action, elle, est superbement mise en scène, les progrès effectués par l'imagerie de synthèse permettant au réalisateur la concrétisation des déplacements virevoltants et archi spectaculaires de Spider-Man dans la ville qu'il protège. Faisant par exemple de la scène de la fête de l'union un grand moment du film, tandis que Sam Raimi laisse libre cours à des visions horrifiques fugaces, réminiscences ses précédents travaux sur Evil Dead, ou faisant de nombre de ses plans un enchaînement de véritables cases de BD d'une puissance d'évocation folle, comme ce baiser inversé devenu immortel, et d'un découpage émulant le ressenti immédiat de son média d'origine.


Spider-Man, à chaque instant de son intrigue, fait preuve d'un équilibre virtuose en conciliant chacun des éléments de son personnage éponyme et de son univers. Tout comme ses ambiances tour à tour quasi enfantines et adultes, lumineuses et sombres, grâce à la prestation d'un Willem Dafoe impeccable et schizo, son sens du spectacle ébouriffant et son aspect le plus fleur bleue. Spider-Man est donc une nouvelle expression de la personnalité de son auteur, de son enthousiasme qui se devine derrière la caméra, de son énergie communicative qui irrigue l'oeuvre.


Un sommet réjouissant, intègre et sincère de comic book movie, donc. Pas dur pour quelqu'un capable de marcher au plafond...


Behind_the_Mask, qui le retire, le masque...

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le 1 févr. 2020

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Behind_the_Mask

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