Spencer
6.4
Spencer

Film de Pablo Larraín (2021)

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Quand je pense à Lady Diana, il me vient tout d'abord à l'esprit la tragédie du pont de l'Alma. La princesse de Galles qui décède dans un terrible accident de voiture, qui plus est dans les rues de Paris, alors que j'avais à peine 8 ans, c'est le genre d'évènement qui vous marque au fer rouge. Pour le reste de sa vie en revanche, j'avoue ne pas être trop au courant des potins mondains : envies de suicide, adultères et autres crises conjugales, crise de la Couronne, et j'en passe, tout cela m'était inconnu. Bien sûr, les récents Diana avec Naomi Watts et la série tv The Crown auraient pu compléter ma maigre culture en la matière, mais je ne les ai pas (encore) vus. Alors pourquoi ce Spencer, me direz-vous ?

La présence au casting de Kristen Stewart pour camper Lady Di a évidemment attisé ma curiosité, elle qui poursuit une carrière cinématographique aussi hétéroclite qu'intéressante sous bien des points. Je sentais que ce rôle de composition lui irait à ravir, que sa performance mériterait à elle seule le visionnage de ce film, et je ne me suis vraiment pas trompé. Elle parvient à merveille à jongler entre le chic vestimentaire et l'apparat d'une démarche distinguée propres à une princesse, et les éclats fiévreux de sa boulimie et de son envie de tout envoyer valser à travers quelques répliques bien senties. Présente dans presque toutes les scènes, Kristen Stewart irradie de son charisme cette apparente maison de fous, mimant, surjouant, apprivoisant avec aplomb la femme du prince Charles.

Et justement, cette maison, ou plutôt ce gigantesque manoir, rappelle inévitablement un autre long-métrage : des couloirs labyrinthiques ; une impression de vide absolu, d'isolement par l'interdiction d'ouvrir les rideaux ; le froid de décembre qui imprègne des murs fins ne permettant aucun secret ; les apparitions spectrales d'Anne Boleyn ; les effets Steadycam qui suivent le dos de notre Lady, accompagnés des violons stridents du compositeur… Bref, vous avez sûrement reconnu de quel film je parle. Et au milieu de cette ambiance apocalyptique, seule Diana instille un semblant de chaleur par ses tenues, son sourire et son amour maternel envers ses deux fils, alors même qu'elle fait clairement office d'épouvantail pour le reste de la maisonnée.

Le parti-pris du réalisateur, Pablo Larraín, de créer ce huis clos étouffant pour nous conter l'enfer vécu par Diana a de quoi interroger ceux qui s'attendaient à un simple biopic, aussi scolaire soit-il, sur la vie de la princesse de Galles. Mais cette envie du metteur en scène de façonner avec ce manoir l'enveloppe d'une femme à bouts de nerfs prête à envisager le pire, le tout sur une temporalité restreinte (trois petites journées allant de la veille de Noël au fameux Boxing Day anglais) permet un rapprochement et un attachement à la princesse d'autant plus réussis, là où une simple biographie très cadrée nous aurait probablement détachés de cette bourgeoisie anglaise assumée et protocolaire. On frôle constamment le film d'épouvante, bien aidé par la brume typiquement british qui nous isole du monde extérieur, et par le comportement terriblement robotique et sans âme de la plupart des autres habitants du manoir. Tous ces hommages à la culture britannique, du Chien des Baskerville aux huis clos façon Agatha Christie, prouvent qu'au-delà de sa "fable tirée de faits réels" (comme indiqué en début de film), Pablo Larraín a son projet en tête et ne se contente pas de mettre en image une simple page Wikipedia.

Alors oui, c'est une approche très particulière, et oui la musique fait un peu trop bien son boulot parfois, jusqu'à donner envie de baisser le son de son téléviseur, mais pour une fois qu'un biopic ose sortir des sentiers maintes et maintes fois (ra)battus, le geste du réalisateur est on ne peut plus appréciable et donne mille fois plus envie d'en savoir davantage sur la vie ô combien cinématographique de cette icône de la royauté.

Pinto-Vegas
7
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le 28 juin 2022

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Pinto-Vegas

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