A l'époque où les séries télévisées ont pris une dimension cinématographique comme les danoises par exemple, une cohérence d'épisode en épisode avec des histoires croisées et beaucoup de profondeur dans les sentiments et la psychologie des personnages, et où les meilleurs scénaristes ont quitté le cinéma pour elle, c'est compliqué de faire un film comme "Sous surveillance". Pas tant parce que le sujet n'est pas intéressant mais parce qu'il n'a pas le temps de se développer convenablement en 2h. C'est difficile et aussi raté de penser étoffer une pléiade d'acteurs et d'histoires intimes qui nécessitent plus que des ellipses pour s'exprimer, en si peu de temps. Malheureusement c'est le choix de Robert Redford. Bref le film n'est pas mauvais mais n'est pas convaincant non plus.


Pour autant le point de départ est parfaitement attirant. Montrer des hommes et des femmes dans un environnement familial et découvrir qu'ils cachent tous une identité de pseudo terroristes traqués par le FBI depuis plus de 30 ans et qu'ils ont réussi à se faire oublier, à se fondre dans la société sous des faux noms, c'est excitant. C'est excitant alors d'imaginer comment ils ont fait pour s'échapper et conserver autant de temps leur anonymat se soutenant les uns les autres, sans se trahir et menant malgré les remords une vie autre en un sens normale dans des villes tranquilles. C'est excitant de jouer sur l'ambiguïté du démon qui se cache parmi nous, c'est effrayant tellement c'est d'actualité.


Mais on est vite repris par l'histoire qui nous met tout le monde sur la route, le chat et la souris, et la surprise du départ s'estompe pour disparaître complètement, remplacée par un film militant aux doux accents gauchistes comme tous les films de Robert Redford. Pas de mal à ça bien sûr, et rien de déplaisant sauf à reboucler sur mon premier point qui est qu'à la télévision cela aurait certainement eu plus de gueule.


A mesure que le film avance on se rend compte que ce n'est pas fait malheureusement pour le cinéma, ou bien que les images de cinéma, les plans larges sur la campagne en automne avec les routes mouillées, les feuilles rougeoyantes, tout cela a déjà un goût de réchauffé. Pas donc une image originale. C'est bien un des défauts de ce film, cela manque complètement d'originalité, tout semble déjà vu, montré, raconté, exactement de la même manière, et c'est bien dommage.


Pourtant le scénario et les dialogues particulièrement soignés pour le personnage du jeune journaliste joué par Shia Laboeuf sont bons. La psychologie des personnages laisse un goût d'inconnu sur leurs motivations, les raisons qui les poussent à agir. Mais lorsque l'histoire s'arrête, que tout est dévoilé ou semble tellement limpide qu'il ne nécessite plus d'explication, il reste un bon quart du film et cela devient long. On tombe dans le travers des explications à outrance qui justifient, certes, mais n'apportent rien au fond. Savoir que Robert Redford a eu une fille avec son ancienne complice, Mimi, recueillit par un flic ami de la famille qui a participé à l'enquête sur le meurtre qui les a mis dans la clandestinité n'est pas du tout intéressant si ça s'arrête là. A quoi ça peut servir de l'exprimer clairement, le sous entendu n'est il pas là un moyen de tenir en haleine le spectateur. On peut dire non, mais dans ce cas il est nécessaire d'en faire quelque chose. Mais ici rien n'en est fait. A l'opposé il y a des personnages inutiles, comme le compagnon de Mimi qui sous ses airs de catcheur à la retraite spécule en bourse et finance ou participe aux trafics de Mimi ce qui apparaît comme contradictoire. Mais à quoi sert ce personnage, et surtout l'ambiguïté qu'on lui donne. Dans le montage final à rien et c'est bien dommage. Les exemples sont nombreux dans ce cas. Il y a le frère de Robert Redford, il y a le flic, l'ex petite amie de Shia Laboeuf. Beaucoup de pistes donc sont lancées, fouillées, intrigantes et en définitives abandonnées.


Le point le plus négatif du film revient au discours politique lénifiant de ces vieux adolescents révolutionnaires qui ont divergé dans leurs engagements militants. Le discours sur le monde pourri qui n'a pas changé, mais sur eux qui ont vieilli pris de la bouteille et regarde cela avec sérieux malgré les promesses juvéniles d'engagement totale, c'est un couplet un peu pitoyable dans leur bouche, pas réellement crédible, et cela reste au premier degré sans vraiment de message sur la direction des choses, sur la jeunesse, ou la vieillesse, c'est plutôt attristant à regarder.

OlivierBretagne
5
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le 25 mai 2018

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