Il y a quelque chose de consolant dans le fait de sentir qu'on partage avec un film un même sentiment (d'épouvante) vis-à-vis du monde du travail. La description est juste, détaillée, sans doute bien renseignée, et sans nuance car il n'y a pas lieu d'en faire.
Le personnage principal se trouve, au fur et à mesure du film, de plus en plus accablé par sa situation d'employé endetté par son employeur, et cet accablement sonne juste parce qu'il se révèle être une prise de conscience, et non simplement un supplice démiurgique un peu appuyé. En vérité la situation est intenable dès le départ, et il est insupportable, pour le spectateur comme pour le fils du héros, que le personnage la tienne. Son calvaire devient donc aussi notre espoir de le voir enfin ouvrir les yeux et changer de paradigme.
Le problème c'est qu'en dehors de cet état des lieux catastrophique, rien ne tient, le personnage est bidimensionnel, la famille est accrochée à ses archétypes, et les scènes qui s'écartent du scénario et de sa mécanique sont trop vite dessinées (et trop souvent escamotées) pour épaissir les affects du film.
Bien sûr il y a quelques bonnes scènes, et celle-ci notamment, où le mari demande à sa femme où ils en sont de leur amour, et où celle-ci lui répond : je n'en sais rien. Dans cet aveu d'ignorance, on reconnaît la justesse de Ken Loach, sa rigueur mélodramatique, cette façon de toujours suspendre la tendresse sans l'exterminer. En disant cela, la femme ensuite ne claque pas la porte, elle se contente de la refermer et d'aller faire ce qu'elle a à faire.
Mais globalement, on est quand même très loin d'un bon film.